samedi, juillet 15, 2006

André Gide





Ecrivain original, inventif, désireux de renouveler l’expression littéraire au prix même de la notoriété.

Il devient connu grâce à la Nouvelle Revue Française fondée par lui.

Il a voulu établir de nouveaux rapports entre le livre et le lecteur.

Sa vie et son œuvre se confondent.

Aucun exégète n’a pu séparer, chez Gide, la morale de l’esthétique. La morale gidienne est l’explosion, au XXe siècle, de toute une évolution de l’humanisme à partir de la Renaissance.

Il envisage l’homme comme la cause et le but de la civilisation et de la culture.
Son œuvre assure à l’homme une place privilégiée, dans le monde, à mettre en valeur ses vraies qualités qui dépassent toute raison d’ordre social, politique etc. et font de lui un être authentique.

Gide veut éliminer tout ce qui renvoie au social et à la convention, c’est-à-dire tout ce qui empêche l’homme de s’affirmer tel qu’il est, en pleine liberté.

La nouveauté de l’humanisme gidien réside dans la manière de comprendre l’homme comme essence, dans ses manifestations les plus authentiques. Etre nouveau c’est être soi-même, se libérer des contraintes, ne pas se soucier du présent.

L’écrivain transpos dans tous ses écrits sa propre morale, son code privilégié de conduite.

La morale de Gide se constitue sur deux coordonnées: un penchant vers l’égotisme et la sincerité (impliquant la disponibilité). Son culte du soi est synonyme du narcissisme.

Gide se trouve devant la difficulté de s’affirmer avec naturel dans une société faite de conventions mais il n’en fait pas un drame et ne se laisse pas abattre par ce qu’il transforme en devoir humain.

L’égotisme n’est pas une forme d’égoïsme forcené, mais un besoin de sympathie et d’amitié, une forme de communication, une manière de se lier à autrui, de se connaître et de connaître ainsi l’homme avec ses problèmes vitaux.

La morale de la sincérité est pour l’écrivain un devoir, le devoir de tout dire ouvertement. C’est l’unique rapport que Gide accepte avec le monde, objets et êtres y compris, c’est sa manière d’être d’accord avec soi-même par l’intermédiaire du monde. Accepter la sincérité est tout d’abord reconnaître à chaque chose et à chaque être l’indépendance, dépasser l’esclavage et la subordination que seuls les artifices de la morale peuvent imposer.

Etre d’accord avec soi-même, ne pas avoir peur d’être soi-même ne veut pas dire être obéissant. Par la sincérité on affirme sa liberté, son choix de rester insoumis et insatisfait.

La morale de la sincérité est chez Gide la loi du progrès et de la civilisation: l’homme sincère devient authentique et pur, ce qui le rend capable de progrès, d’élargissement.

Etre sincère, tout dire de sa personne, implique aussi une façon particulière de réagir devant les sollicitations du monde. Si l’on dépasse les limites de la morale bourgeoise on est libre et ouvert à tout, on est prêt à tout accepter et à tout faire.

L’idée centrale des Nourritures terrestres est une définition de la disponibilité: l’homme ne devient vraiment libre que lorsqu’il n’est plus prisonnier de son temps, lorsqu’il n’y a plus de rapport entre le passé et l’avenir et que l’avenir ne dépend pas du passé.

Le passé ne doit plus nous embarrasser et pour nous sentir vivre nous devons en faire table rase. N’être attaché à rien nous donne la possibilité de nous attacher à tout, d’être disponible à chaque nouveauté. La disponibilité se définit comme une source de progrès révélant la mobilité de l’intelligence humaine réceptive à tout signe de nouveauté.

La curiosité oblige l’être gidien de vivre dans le présent, à le savourer car dans le présent il y a la révélation de soi par l’intermédiaire des sens.

Goûter le bonheur implique, selon Gide, le savoir d’opposer sentir à comprendre.

L’acte gratuit, en tant que forme d’expression de la disponibilité, s’explique comme la réponse à un besoin précis de la sincérité du corps ou de l’âme et comme la possibilité d’assouvir sa curiosité de soi, de vérifier le rapport présumé entre l’imagination et le fait.

La morale de la sincérité a été appelée le gidisme. Le gidisme est une manière de vivre par laquelle on réclame l’originalité et l’autonomie de l’individu et conformément à laquelle l’homme est né pour le bonheur.

Le gidisme est une morale qui exprime la confiance dans l’homme mais laisse voir certaines inquiétudes de l’écrivain concernant le rapport entre l’homme et son milieu social.

Gide est toujours à la recherche de formes nouvelles. Selon lui, le double devoir qui revient à l’artiste est:
- fonder son art sur ses propres expériences de vie;
- observer ses expériences pour mieux les exprimer.

Selon Gide, l’art ne reproduit pas la nature, il faut regarder la réalité comme une matière plastique à modeler par une pensée essentiellement artistique, il faut donc parler des choses et non de l’invisible réalité.

Principes de la conception gidienne de l’art:
- l’art doit refuser l’autorité de la tradition et affirmer la nouveauté;
- l’art est le fait d’un individu;
- l’individu s’affirme en affirmant la nouveauté;
- l’œuvre d’art n’est pas close, il est perfectible et inachevé.

Gide ressent le besoin de laisser au lecteur la liberté de déployer son propre esprit critique.

Il a considéré que l’élément essentiel dans l’art ne doit plus être ce qu’on dit, mais la façon dont on le dit.

Ls curiosité développe elle aussi l’esprit critique. La curiosité de tout examiner est la source de l’esprit de révolte. L’artiste doit être un révolté contre tout ce qui est superficiel, contre l’apparence tout en affirmant sa conscience critique.
L’écrivain pense à solliciter le lecteur de collaborer comme créateur d’œuvre d’art en instaurant ainsi un nouveau rapport entre le texte et la lecture.

La nouveauté du texte gidien est que la lecture change le statut de l’écriture.

L’œuvre ne devient vivante qu’en réalisant la collaboration entre l’artiste avec sa part d’inconscient et le lecteur auquel on doit la révélation de nos œuvres.

Le lecteur-critique doit observer un nouveau principe: la lecture ne doit plus être un esclavage qui montre chaque liberté provisoire, car la réalité du livre n’est pas une vérité unique, universellement valable.

La critique littéraire gidienne fait crédit à l’imagination du lecteur et fait que celui-ci sort de la paresse à laquelle l’a habitué le roman classique.

Selon Gide, faire l’éloge d’un livre est une manipulation aussi méprisable que celle de l’auteur qui explique son livre.

Dans Les Faux-Monnayeurs, Gide indique, par l’intermédiaire du personnage écrivain, les étapes de sa propre esthétique:
a) dénoncer ce qui est artificiel dans le genre;
b) suggérer la nouvelle forme romanesque et
c) parler de la difficulté de la réaliser.

L’auteur omniscient dans le roman traditionnel nuit à l’expression de la sincérité par le recours aux analyses psychologiques qui chargent trop le récit et par de nombreux détails et explications inutiles. Le lecteur est influencé et manipulé sans avoir la liberté de chercher à lui seul les sens de l’œuvre.

L’œuvre d’art doit être un but en soi. L’art véritable élimine tout ce qui est artificiel pour exprimer la sincérité.

Pour Gide, l’inspiration romanesque est étroitement liée au vécu, à l’expérience personnelle.

Le fait de faire du roman le reflet de la réalité vécue remplace le sujet décidé d’avance et impose l’existence d’un personnage qui représente l’artiste au travail.

Le personnage écrivain est nécessaire pour expliquer la substance même du livre.

Les personnages de la réalité gidienne ne sont jamais entraînés dans une intrigue, ils représentent des lignes de vie qui se croisent par de simples rencontrent dues au déroulement naturel de l’existence. Ils n’ont jamais de destinées tragiques, leur rôle étant d’éclairer la personnalité gidienne sans en être de simples projections. Par rapport à l’auteur qui les a créés, ils sont tout à fait indépendants et imposent leur propre point de vuee sur l’événement.

Chaque protagoniste est à la fois Gide et une attitude de vie, il est à la fois la projection de l’écrivain et sa disponibilité même d’être tous ses personnages en même temps. Ce personnage libre qui n’est plus le porte-parole des idées de l’écrivain, qui n’est plus le porteur d’un message, décline la position omniprésente de l’auteur.

Le roman, qui garde toute sa liberté par rapport au romancier, devient libre à tel point qu’il n’a pas de fin véritable.

Chez Gide, les intrusions de l’auteur ont l’effet contraire à l’omniscience de l’auteur, n’étant qu’une manière dont l’écrivain insiste sur ses ignorances.

L’esthétique gidienne est celle du puzzle: elle propose une simultanéité temporelle et défait l’unité chronotopique en envisageant l’espace comme une multiplicité de lieux et de scènes, comme une ouverture qui peut être traversée de tous côtés.
Gide a imaginé un roman du roman qui exprime l’essence du genre, le roman impossible à écrire. La preuve est qu’Edouard expose dans son Journal sa manière de composer une œuvre, mais dans l’espace du livre don’t il est le protagoniste principal il n’arrive pas à achever son roman.

Le roman est une source permanente de découverte pour le lecteur de même que pour l’auteur. Gide comprend la qualité d’apprentissage de l’acte écrire: en écrivant, l’écrivain acquiert un double savoir sur la vie et sur l’art. L’acte d’écrire est une activité nécessaire pour le perfectionnement et la compréhension de soi.

La lecture et la relecture vérifient la qualité de l’œuvre.

L’œuvre gidien n’est pas moyen, mais but.

Gide s’est rendu maître de la mise en abyme. C’est la solution esthétique trouvée par Gide pour verser dans l’impur roman qu’on écrit la théorie du roman pur qu’il est impossible d’écrire. Elle lui permet de donner une valeur ethétique à son narcissisme. Il transforme ainsi tout objet et tout personnage de son œuvre en miroir de son moi.

Chez Gide la morale et l’esthétique sont inséparables et la mise en abyme le prouve.
La mise en abyme exprime d’ailleurs toute la nouveauté de l’art de Gide qui ne fait pas confiance à l’expérience de ses pensées mais à celle de sa propre vie en illustrant en même temps la difficulté d’écrire.

La mise en abyme devient chez Gide une modalité de révélation.

On considère Les Faux-Monnayeurs comme le meilleur exemple de la manière dont un écrivain emploie la technique de la mise en abyme.

L’œuvre de Gide ressemble à un vaste journal dissimulé qui contient l’explication profonde de l’œuvre et de l’artiste et qui, usant de la même technique de la mise en abyme, recourt lui-même à un texte spéculaire, le fameux Journal d’une vie, où Gide a noté tout ce qui se rapportait à son existence et à son œuvre.

[sources Yvonne Goga, Novateurs du discours poétique français]