lundi, septembre 18, 2006

Tahar Ben Jelloun, L’homme rompu (notes de lecture)





Paru chez Editions du Seuil, janvier 1994. Le roman se veut un soutien pour l’écrivain indonésien Pramoedya Ananta Toer, un hommage pour son roman Corruption.

Le personnage principal, Mourad, est ingénieur, il étudie les dossiers de construction. Son titre: “sous-directeur de la planification, de la prospective et du progrès” (p. 11). Il a des problèmes d’argent, il ne s’en sort pas.

Le nom de sa femme est Hlima.

Situation financière de Mourad: “Avec son salaire modeste il fait vivre sa famille, paye la scolarité des enfants, le loyer de la maison et subvient aux besoins de sa mère. Il n’y arrive pas. Il vit à crédit grâce à l’épicier. Il sait qu’il ne pourra pas avoir un troisième enfant.” (p. 11)

Son adjoint, Haj Hamid, gagne moins que Mourad, mais se permet beaucoup plus. Mourad le déteste. “Il est ennuyeux, fat et vaniteux.” (p. 14)

Le propre de la corruption c’est qu’elle n’est pas visible directement.” (p. 14)

Haj Hamid – “adjoint visqueux” (p. 15)

Les chaouchs aiment bien Haj Hamid. Il est généreux, disert, attentionné. Il est au courant de leurs problèmes, les aide, leur donne ses vieux habits, pense à leurs enfants au moment des fêtes. C’est un homme bon. Le vendredi, il quitte le bureau à 11 heures pour aller à la mosquée. Ce jour-là, il vient tout habillé de blanc; djellaba, chemise, seroual, babouches, tous blancs. Après la prière, il va déjeuner et revient au bureau avec une bonne demi-heure de retard.” (p. 15)

Mourad est un homme tranquille. Tout ce qu’il cherche, c’est assurer avec dignité l’avenir de ses enfants. Il est prêt à tous les sacrifices mais pas à violer ses principes et faire comme les autres.” (p. 17)

La tentation, quand M. Foulane lui avait offert une liasse de billets de banque. “Avec un million, il achèterait une mobylette, une robe à Hlima, et un costume de fête à chacun des enfants, ils iraient tous au restaurant manger du poisson, il fumerait des cigarettes américaines et peut-être il s’offrirait un cigare Monte Cristo no 1 spécial qui coûte quatre-vingts dirhams, le prix de deux repas en temps normal. Il sufissait d’une signature, une petite signature en bas d’une page.” (p. 17)

Mourad préfère dire: “Je ne suis pas corruptible.” (p. 17), après avoir craché par terre.

Préssion de la part de la famille de sa femme: “Son père ne dit rien. Il apprécie Mourad, il connaît son sérieux et son honnêteté. La mère est hypocrite. Elle lui fait de grands sourires mais dès qu’il a le dos tourné elle se moque de lui. Elle le trouve petit, pauvre et terne et ne rate jamais l’occasion de lui envoyer quelques vannes du genre: «Sidi Larbi change de voiture, je pourrais intervenir auprès de ma fille pour qu’elle lui parle et vous la vende à un prix intéressant… Ça doit coûter quoi? Cinq, six millions, c’est rien aujourd’hui!»” (p. 18)

Pour son entourage, Mourad est un type qui n’a pas su s’adapter à la vie moderne. “S’adapter c’est quoi? C’est faire comme les autres, fermer les yeux quand il le faut, mettre de côté ses principes et ses idéaux, ne pas empêcher que la machine tourne, bref c’est apprendre à voler et en faire profiter les autres.” (p. 19)

Identité: “Je sais que ce qu’ils appellent «la machine» ne marche pas avec des gens comme moi. Je suis le grain de sable qui s’y introduit et la fait grincer. J’avoue aimer ce rôle. Il est unique, rare et nécessaire.” (p. 19)

Sur la vie: “Bien sûr, tout cela se passe de manière déguisée, voilée, indirecte, jamais de façon frontale.” (p. 20)

Sa tristesse: les cris de sa femme, qui ne comprend pas la situation.

Il existe un manuel d’érotologie musulmane, celui du cheikh Nafzaoui. Il décrit 29 positions pour faire l’amour.

Sa femme lui dit, quand il refuse de la sodomiser: “Tu n’est pas un homme!” (p. 25). “[…] je me sentis ridicule et compris qu’avec cette injure et surtout mon absence de réaction ma vie allait petit à petit se transformer en quelque chose qui n’allait pas tarder à ressembler à l’enfer.” (p. 25)

Il pense à sa cousine, Najia, qu’il aurait pu aimer.

Quand il se fait embauché par le ministère de l’Equipement, sa femme lui dit de toucher un comission pour chaque dossier analysé. A son refus, elle lui dit la deuxième fois qu’il n’est pas un homme (mise en doute de l’identité). Puis elle commence à lui jeter des objet à la figure. Sa réaction: “Pour l’arrêter dans son hystérie et la calmer, je la considérai comme un incendie, je me précipitai à la salle de bains, remplis un seau d’eau et le vidai sur elle.” (p. 27)

Identité: “Cependant, face aux corrupteurs, je n’ai jamais été timide. Toute ma fierté est là. Ma résistance a toujours été sans faille. Le fait de me trouver face à face avec un homme qui essaie de m’acheter me donnait force et courage. Je ne lui faisais pas de leçon de morale. Je me levais et le mettais à la porte de mon bureau sans dire un mot. L’homme partait à reculons et moi, sans perdre mon sang-froid, je me rasseyais et poursuivais mon travail. Ce fut ainsi que j’acquis la réputation de «l’homme de fer». Mais pour les autres j’étais «Grain de sable».” (p. 28)

Encore: “Ni l’homme de fer, ni grain de sable. Mais simplement un homme honnête.” (p. 29)

Perspectives identitaires: “Pour les gens modestes, je n’étais ni de fer ni de sable. Pour eux, j’étais un saint. C’est ce que me dit un jour un jeune médecin qui venait d’être nommé au grand hôpital public de la ville. C’était un homme encore plus naif que moi.” (p. 29)

La corruption = grasser la patte, glisser l’enveloppe.

Son chef lui dit: “La rigueur est nécessaire, surtout dans notre pays, mais un peu de souplesse ne fait pas de mal.” (p. 32)

Son chef lui tient un discours sur “la souplesse”.

Avec ma femme aussi je suis intègre. Ce n’est pas l’envie qui me manque, mais j’ai des principes et je tiens à les respecter.” (p. 38)

Ce qui annonce les transformations est exactement l’importance accordée à l’argent: “Je me suis arrêté au bar Alhambra et j’ai bu une bière, 15 dh, je me suis fait cirer les chaussures tout en buvant, c’est un petit luxe qui m’a coûté 5 dh, j’ai fumé deux cigarettes dont une Marlboro achetée au détail chez les gamins qui rôdent autour des cafés. Qu’est-ce qu’on va manger ce soir? Une soupe de légumes et un peu de fromage hollandais. C’est léger et pas très coûteux.” (p. 39)

L’argent rend heureuse sa femme.

Les enfants: Wassit et Karima.

Moments de la découverte identitaire: “[…] j’ai appris qu’on découvre vraiment les êtres dans des moments inattendus comme les silences, ou grâce à un petit détail, dans la manière dont ils réagissent à des faits sans importance.” (p. 41)

Dans l’esprit de Mourad, tout passe par l’argent: “Un homme qui est fauché à partir du 20 [du mois – n.n.] ne doit pas penser à une autre femme. Il faut chasser de mon esprit l’image de Najia.” (p. 42)

Premier pas, l’inquiétude: “Comment font tous les autres? Pourquoi moi je tremble, j’ai des sueurs froides rien qu’à l’idée d’envisager un arrengement somme toute banal et courant?” (p. 43-44)

Son ami, Abbas, est riche est modeste.

Saddam a lancé sur le village Halabja, d’habitants kurdes, des gas toxiques. Une chose semblable a été faite par le syrien Hafez el Assad.

Le tunnel: “Je ne sais pas pourquoi, mais des gens comme moi sont condamnés à circuler dans un tunnel. Je suis sans recours. Il suffit que j’emprunte un chemin pour qu’il se creuse et se transforme en tunnel, et souvent au bout il y a un puits.” (p. 47)

Au fond de mon tunnel, je ne cesse de faire des calculs.” (p. 48)

Le thème de son changement identitaire est la souplesse. Le direction: “Tout est dans l’apparence.” (p. 53) Changer la vie.

Une voix lui parle. C’est la voix de sa mauvaise conscience.

Une enveloppe lui est dédié dans un dossier à étudier. Sans nom, mais il sait très bien que c’est pour lui: “Je suis tenté de vider l’enveloppe. Si je le fais, je ne pourrai plus revenir en arrière. Ce sera le début de l’engrenage. Ma vie sera changée. Il y aura un avant l’enveloppe et un après.” (p. 63) – un seul geste peut entraîner le changement identitaire.

Je sens que je suis conquis par la souplesse. Je la compare à un sofa moelleux où le corps s’enfonce doucement. Je me laisse aller, la tête en arrière, je ne vois plus le monde tel qu’il est, je ne sens plus mes muscles, je suis ailleurs, sur un voilier en Méditerrannée, les yeux fermés, le visage légèrement caressé par la brise, je suis heureux.” (p. 65)

Karima, sa fille, a une nouvelle crise d’asthme. Il lui faut des médicaments et changer le climat.

Mourad a le ventre noué, la gorge sèche et les mains qui tremblent avant de prendre la décision.

Le moment juste après la signature du dossier Sabbane (en arabe: celui qui lave le linge sale): “Je pousse un grand soupir de soulagement. C’est simple, rapide et sans drame. J’étais fou de m’encombrer de tant de scrupules. J’ai franchi le pas. Je ne suis plus le même, je vais même devenir meilleur.” (p. 71)

L’argent provenu de la corruption, Mourad se propose de le plaquer dans L’Etre et le Néant, le livre de J.-P. Sartre.

Il écrit dans son bloc-notes: “A partir de ce jour, je décide de changer.” (p. 74). Mais le changement était déja fait. Programme de changement: changer de style d’habits (costumes amples et belles chaussures); cesser de fumer au Ramadan; ne plus regarder la télévision; passer plus de week-end à la maison; acheter une voiture; manger lentement; faire du sport; tenir un journal; acheter un coffre pour cacher l’argent qui “tombera du ciel” (p. 75); parler a Najia.

Une journée plus tard: “J’ai l’impression que la journée d’hier est très loin. D’un coup, je suis devenu corrompu, j’ai découvert le luxe et j’ai presque trompé ma femme. Tous ces bouleversements en si peu de temps! Il y a de quoi perdre l’équilibre. J’ai justement le vertige.” (p. 82)

Questionnement: “Un homme corrompu est-il un homme libre? C’est paradoxal. L’argent sale donne des ailes. Mais que vaut cette liberté?” (p. 86)

L’excursion avec Karima, sa fille.

Sa vie n’est plus sa vie: “Pendant ce temps-là passe à la télé un feuilleton égyptien où une femme abandonnée crie de toutes ses forces. Je ne sais plus si je suis chez moi ou dans ce film. […] Je vois ce foyer qui ne me ressemble plus, ces meubles, ces tissus de canapé, ces portraits sur le mur, je contemple le désordre et me sens de plus en plus étranger.” (p. 96)

Cause du changement: “La religion de l’argent pourrit tout ce qu’elle touche. Elle méprise les gens modestes, les honnêtes gens incapables de magouilles. Ce mépris, je l’ai porté sur ma peau longtemps. J’en étais même fier. […] J’ai resisté tant que j’ai pu…” (p. 97)

Le fils: “J’aime bien le mot arabe pour désigner la corruption; c’est ce qui est miné de l’intérieur, rongé par les mites, on dit cela du bois qui est foutu et qui ne sert plus à rien, pas même à faire du feu. L’homme c’est pareil. S’il vend son âme, s’il achète la consciences des autres, il participe à un processus de destruction générale.” (p. 98-99)

Il pense rendre l’argen à M. Sabbane, il a des crises de conscience: “Je me retrouve dans le tunnel. J’avance péniblement. […] La mauvaise conscience n’a qu’à continuer à travailler. C’est elle qui me jette dans le tunnel.” (p. 100)

Decision de changement identitaire: “Donc, à partir de demain matin à huit heures, j’entre dans la peau d’un fonctionnaire corrompu.” (p. 102-103)

Toujours des calculs: “En faisant un calcul rapide et approximatif, ça pourra m’assurer entre quarante mille et cinquante mille dirhams, presque six mois de salaire. A ce rythme, si on compte les congés, les jours fériés, les aléas de la crise, l’avarice de certains entrepreneurs, puis les quelques folies, j’en suis capable, tu verras – je peux tabler sur cinquante millions par ans. A ce rythme, seule ma mort arrêtera ce flot merveilleux, véritable trésor.” (p. 103)

La pauvreté est un défaut, c’est comme quelqu’un qui naît borgne ou bossu. C’est un défaut de la nature, va-t-on lui en vouloir?” (p. 108)

Après avoir avoué qu’il n’aime pas être poussé à prendre des décisions, il sent le désir de tergiverser, de réduire la vitesse des événements: “Laissons venir les choses. Attendons de voir. Pas d’agitation. Pas de décision prise à la légère. Penser, analyser, réfléchir calmement, sans se presser, en pesant les choses. Surtout pas de précipitation.” (p. 108)

Najia ne veut pas un homme corrompu. Elle est honnête. Mourad réfléchit: “C’est avec Najia que j’aurais dû faire ma vie. Elle ne m’aurait jamais poussé à la corruption. Je suis victime de ma faiblesse et de mes illusions.” (p. 111)

Changement en cours, quand une femme l’accoste dans la rue: “Elle n’a qu’à prendre ces dollars. Puis je me ressaisis. Non, cet argent m’appartient. J’ai mis plus de vingt ans pour le gagner.” (p. 112)

Troubles identitaires collectif: “Le cinéma égyptien de notre enfance était merveilleux. Les séries qui passent à présent à la télé sont horribles. C’est cela la décadence. Les comédiens hurlent au lieu de jouer. Ils participent à l’hystérie collective. D’ailleurs, de plus en plus de Marocains agissent et parlent comme leurs idoles égyptiennes. C’est de l’ordre de l’épidémie et de la contamination.” (p. 113)

La femme est une étudiante en médicine, Nadia. Elle est seule, elle le voit seul. Ils se parlent.

Après la corruption, il n’est plus capable d’arrêter la machine: “Ma tête est celle d’un pauvre type qui ne sait plus comment se retirer d’un engrenage qui va le broyer. Je vois d’ici la machine avancer sur un rythme régulier et sûr. Elle s’approche.” (p. 116)

Changement identitaire accompli: “Je suis devenu un homme souple. Je regrette les perturbations de ces dernières semaines. La vie me sourit.” (p. 120)

La réponse de Najia: “Après tout, c’est ta vie, tu en fais ce que tu veux. Ne me mêle pas à tes trafics. Tu seras toujours le bienvenu. Mais je refuse de toucher à l’argent sale. C’est le principe. Dans ce pays, il y a encore des personnes qui respectent des principes. Elles sont rares, mais elles existent et il ne faut pas les salir. D’ailleurs, si le pays marche, c’est en partie grâce à elles. Tous les Marocains ne sont pas corrompus.” (p. 122)

Je ne me sens pas bien. J’envie tous ceux qui volent, mentent, trahissent et sont en bonne santé.” (p. 134) Il arrive à la conclusion qu’il souffre du «syndrome du nouveau corrompu» (p. 135).

Le médecin lui dit qu’il est hyperémotif et timide.

C’est important, l’apparence. Chez nous l’habit fait le fqih! Enfin, pas toujours. Ici, on n’aime ni le naturel ni la simplicité. Il faut aller dans les campagnes pour rencontrer des gens encore attachés aux choses simples de la vie. Ils sont accueillants et généreux même s’ils sont pauvres. En ville, plus les gens sont riches plus ils sont calculateurs. Ma belle-mère a une calculatrice dans les yeux.” (p. 136)

Une tache blanche derrière l’oreille le fait penser à son foie.

L’inspection. Le déjeuner chez H.H.: “La villa de H.H. lui ressemble: mauvais goût à l’intérieur, signes extérieurs de nouveau riche.” (p. 144)

La nouvelle secrétaire, Doukkali, avait quitté son poste précédent parce que le patron voulait coucher avec elle. Elle a porté plainte contre lui pour harcèlement sexuel.

Il propose à Najia de l’épouser. Celle-ci accepte, à la seule condition qu’il arrête de toucher des comissions. Et qu’il divorce.

Les tâches blanches l’envahissent: “Je perds la couleur naturelle de ma peau au fur et à mesure que je consomme l'argent sale.” (p. 153) C’est vitiligo, trouble de la pigmentation. Pas grave. Le vitiligo est accompagné d’une allergie, une espèce de rejet. C’est psychosomatique.

Ce n’est qu’après deux ans de mariage que je me suis rendu compte que j’étais avec une femme névrosée. Elle s’accomode bien de ses problèmes psychiques dans la mesure où elle n’y attache pas beaucoup d’importance. Ses manies me gênaient, son indiférence, m’énervait, son obsession de l’argent et du confort matériel m’insupportait. Et pourtant, j’ai fait avec elle deux enfants et un bon bout de chemin. Tout cela est loin d’être logique. J’ai toujours pensé que les hommes sont lâches, surtout face aux femmes. J’ai perdu beaucoup de temps. Malheureusement, je me suis réveillé trop tard.” (p. 155-156)

Son bonheur est schizoïde: “Je rentre chez moi et je ne penserai à rien. Je me boucherai les oreilles avec des boules Quies, je prendrai un livre et m’endormirai en lisant. Je me mettrai dans un petit coin du salon ou je m’enfermerai dans la cuisine. Là j’aurai la paix. La liberté, ma liberté, c’est cela et pas plus. C’est étroit, c’est petit. Mais c’est ainsi.” (p. 158)

La belle-mère de Mourad lui rend une visite, pour médier la fin de la crise conjugale. Un cousin de sa femme réagit aussi en promettant son aide pour placer Karima dans une clinique privée.

A la banque, où il veut échanger des dollars, le fonctionnaire veut le faire payer un commission. Réflexion: “Je suis un homme corrompu; nouvellement corrompu mais qu’importent la date et la nature de la première bavure.” (p. 166) C’est comme une longue période avait déjà passé.

Changement identitaire et changement physiognomique: “J’arrive à voir mon image dans la vitre. Mon visage est un peu déformé. C’est la chaleur, l’angoisse et la peur. Ma tête n’a jamais été très belle, mais la mauvaise qualité du verre lui donne des proportions anormales.” (p. 167)

Comme les hommes dont on parle dans les livres, je suis arrivé à un endroit déterminé de ma vie et j’hésite entre lutter et me détruire.” (p. 171)

Mourad est accusé d’avoir volé et vendu une vieille machine à écrire (qui se trouvait en fait chez soi).

Changement identitaire chez Tajeddine, le fils de notre instituteur: “Parti de zéro, le voilà aujourd’hui à la tête d’une fortune. Il est devenu américain, pas dans les papiers, mais dans la tête. Il parle efficacité, rentabilité, rigueur, sérieux, aventure, risque, intégration… Il fait un portrait d’Américain qui me fait rire. Tous les clichés y sont.” (p. 179)

Intertextualité: “Je me sens étranger à tout. Etre étranger à soi est bien commode. Comme l’autre, je pourrais commettre un crime sous le soleil et je ne m’en porterais pas mal.” (p. 182)

La vieille machine à écrire est un prétexte pour le faire virer.

Résumé du roman: “J’ai résisté durant vingt ans, luttant seul et avec toutes mes forces contre la corruption et ses tentations. J’ai fait mener à ma famille une vie de pauvres. Nous en avons tous souffert mais notre conscience était tranquille. J’ai cédé deux fois. J’ai touché deux fois une commission. J’ai palpé l’argent sale et j’ai été envahi par des taches blanches. Aujourd’hui, ces taches ont tendance à disparaître. Cet argent m’a brûlé les doigts. Il a saccagé ma vie, détruit mes illusions, ravagé mon sommeil. Et voilà qu’on me poursuit pour une peccadille!” (p. 194)

Paradoxalement, une fois avoir renoncé à sa nature de “grain de sable”, une fois entré dans le système, il a peur de se faire broyer par la machine.

Mourad abandonne le calcul et la logique pour l’évasion onirique: “Longtemps j’ai voulu suivre l’ordre des choses. A présent et grâce à l’histoire Olivetti-Larousse, je fais davantage confiance au désordre et au rêve.” (p. 198)

Il cherche son réfuge aussi dans le passé: “Nous avons tous besoin d’une petite place sur la terrasse de l’enfance, là où on est hors d’atteinte, un peu comme si on était mort.” (p. 199)

L’aveu du changement identitaire: “La corruption a bouleversé ma vie; elle m’a fait connaître Nadia, m’a poussé dans les bras de ma cousine et m’a ouvert définitivement les yeux sur Hlima et son entourage. De quoi vais-je me plaindre?” (p. 206-207)

Y a-t-il vraiment un changement identitaire? “Si j’avais touché de grosses commissions je serais devenu un homme respectable. Mais, même corrompu, je suis resté petit. Or les petits, on les écrase.” (p. 207)

Tout s’avère un coup monté par H.H. et le directeur et puis démonté par eux aussi.
La phrase finale du roman, H.H. la fit à Mourad: “Bienvenue dans la tribu!” (p. 223)