vendredi, juillet 14, 2006

Honoré de Balzac

Le premier romancier à part entière, vivant de son métier.

La peau de chagrin, premier grand roman. L’argument et philosophique: vouloir et pouvoir brûlent la vie. Etude de mœurs, étude philosophique et étude analytique. Roman qui se recommande de la tradition rabelaisienne, il tient sa plus grande originalité et beauté du foisonnement des images, du passage à l’allégorie et au mythe.

Continue avec Le Médecin de campagne.

Projette Les Etudes sociales, dont Les Etudes de mœurs sont la plus basse assise. La seconde assise sont Les Etudes philosophiques. La dernière sont Les Etudes analytiques.

Etudes de mœurs - Scènes de la vie de province, Eugénie Grandet.

Les grandes vedettes du roman balzacien:
- Rastignac, l’ambitieux;
- Bianchon, l’étudiant en médecine qui deviendra une sommité médicale;
- le dandy Henri de Marsay, futur ministre;
- la marquise d’Espard, grande mondaine.

Les scènes de la vie privée sont essentiellement axées sur la question du mariage: le choix du conjoint, les unions disproportionnées ou mal assorties, les dégoûts et les haines qui ne résultent, les embûches du contrat, la manière de conduire son ménage, l’équilibre à maintenir entre la vie privée et la vie sociale, les douleurs de l’abandon, l’incompatibilité d’humeur, les drames et les comédies de l’adultère, séparation et réconciliation.

Balzac a plongé dans les secrets et les drames de la vie privée le regard à la fois du médecin, de l’homme de loi et du prêtre.

Balzac a conçu la province comme le lieu de l’immobilisme, mais aussi comme le creuset d’où sortent les « sommités » parisiennes, et le lieu où viennent échouer les vaincus sans grandeur.

Le Paris de La Comédie humaine est conçu comme le lieu fantastique où tout peut arriver et dont les drames ne sauraient être compris en dehors des barrières, l’enfer dantesque des luttes pour l’or et le plaisir. Paris est une société corrompue parce qu’elle est éminemment civilisée.

La Comédie humaine comporte 85 œuvres, sur les 115 prévues. Y évoluent plus de 4000 personnages, toute la société française de la Restauration et de la Monarchie de Juillet. Le romancier est le secrétaire de la société de son temps.

Chaque être est replacé dans son décor, sa maison, avec ses traits, ses gestes, sa voix, la langue qu’il parle, le vêtement qu’il porte.

Cette peinture – milieux, caractères, situations – résulte d’une observation énorme. Balzac a dit: « On n’invente jamais rien. » Mais sur tous les éléments fournis par le réel, vu ou narré, le romancier opère un immense travail. Il crée des types, des caractères.

La Comédie umaine n’est pas une reproduction de la société existante, elle en est une création. Balzac a créé un monde, son monde. Il reprend certains de ses personnages. Ceux-ci sont connus aux lecteurs grâce à des « flashes » successifs, exactement comme dans la vie réelle, où des récits, des confidences, des révélations, des articles nécrologiques composent tardivement le curriculum vitae de gens dont nous avons cru être proches.

Balzac est un romancier « omniscient ».

Chaque roman est ouvert à une double compréhension, Balzac étant convaincu que la vérité ne se trouve que dans l’équilibre maintenu entre des opinions opposées. D’ailleurs, son système philosophique concilie matérialisme et spiritualisme. Balzac croit à l’existence d’une substance primordiale, sorte de fluide magnétique, électrique, qu’il nomme « Pensée » ou « Volonté ». Pour lui, l’homme possède, en naissant, une somme d’énergie, un « capital de forces humaines » donné, qu’il pourra dépenser en pensée ou en passion, en efforts physiques ou en orgies, en roulades ou en entrechats. Il a été inspiré par Swedenborg et le philosophe mystique Louis-Claude de Saint-Martin.

La structure de l’œuvre balzacienne est tripartite:
1) Etudes philosophiques révèlent « l’homme extérieur » (les effets);
2) Etudes de mœurs révèlent les « individus typisés »;
3) Etudes analytiques révèlent les principes qui règlent l’activité de l’individu en société.

Balzac a écrit: « A mesure que l’homme se civilise, il se suicide. »

En dépit de sa division tripartite, l’œuvre a un caractère profondément synthétique, unitaire.

Balzac compare l’Animalité et l’Humanité. Les espèces sociales sont des espèces zoologiques.

L’idée qu’il n’y a pas plus d’égalité dans la société que dans la nature, se fonde sur une indispensable hiérarchie sociale. Balzac préconise un pouvoir fort, condamne l’individualisme moderne, exalte le catholicisme et le légitimisme.

On a longtemps dit de Balzac qu’il écrit mal, qu’il écrit de façon linéaire.

Le roman balzacien prend toutes les formes:
- roman par lettres (Le Lys dans la valée, Mémoires de deux jeunes mariées);
- roman-gigogne, commençant par la fin selon une technique vulgarisée par le cinéma (La Duchesse de Langeais);
- roman pictural (La Fille aux yeux d’or);
- roman musical (Gambara);
- roman policier (Une ténébreuse affaire).

La création balzacienne frappe par son caractère démiurgique. L’ensemble donne l’impression d’une somme. Elle constitue une sorte de miroir du monde.

A partir de Balzac, tout ce qui s’écrira en fait d’œuvre romanesque le sera dans sa foulée, parfois pour rivaliser avec son gigantesque projet.

[source Rose Fortassier, Le roman français au XIXe siècle]