mardi, juillet 11, 2006

Stendhal, Le Rouge et le Noir, (notes de lecture)





Le Rouge et le Noir marque dans la création de Stendhal une étape capitale: son choix de la forme romanesque comme mode d’expression privilégié.

La source du roman est un fait divers de l’époque.

A propos du titre, Henri Martineau a donné l’explication suivante: « Ce titre, qui s’imposa brusquement à lui, répondait au goût du jour et il évoquait à la fois l’uniforme du militaire et la soutane du prêtre, le jacobinisme du jeune héros et les menées de la Congrégation, ainsi qu’en dernière analyse les chances du hasard. »

Le roman n’a guère de succès au début. Il fait scandale.


Jeunesse et société ou « La chronique de 1830 »

Julien Sorel parcourt la société française et découvre ses structures et ses mécanismes, les réalités sordides derrière des apparences brillantes.

Il est le témoin des désillusions de toute une génération, celle de la Restauration.

Le roman est un passage de la naïveté et l’aveuglement à la désillusion et à la lucidité.

Les cadres du roman sont ceux de Verrière, de Besançon et de Paris. Les forces qui s’affrontent sont: la noblesse, le clergé, la bourgeoisie industrielle et la jeunesse petit-bourgeoise.


Verrière: ordre établi et luttes intestines

La tyrannie de l’artistocratie et du clergé.

Le revenu comme préoccupation principale des trois quarts de la population.

L’amputation symbolique des grands arbres de la commune signifie que rien de noble ne peut se développer à Verrière.

La médiocrité des intrigues politiques locales. L’atmosphère est étouffante: commérages de domestiques, lettres anonymes, espionnage, peur du qu’en dira-t-on... Le premier chapitre de la deuxième partie, nommé par antiphrase Les plaisirs de campagne, résume cet état des choses.

La Congrégation est une organisation religieuse qui a un énorme pouvoir politique dans les parages. C’est une mafia.


Le séminaire de Besançon

Ecole par excellence de l’hypocrisie, de la méchanceté, de l’arrivisme et de la division. Etre prêtre est devenu un métier pour des fils de paysans ambitieux.


Paris ou « le centre de l’intrigue et de l’hypocrisie »

Julien y fréquente les salons de la grande aristocratie: La Mole, Fervaques, Retz. Il y rencontre l’ennui, la contrainte et la convention.

Le seul personnage authentique est le comte Altamira. Les autres personnages sont souvent grotesques.

La société aristocratique est inauthentiquement imbue de ses privilèges, mais ne croie plus en elle-même.


Les jeunes face à cette société

Certains jeunes ne veulent pas se salir les mains dans la course pour l’argent. C’est le cas de Fouqué, ami d’enfance de Julien, qui vit retiré dans les montagnes. Il met Julien en garde contre les tentations de l’ambition, mais le dernier ne voit en lui que « la petitesse d’esprit d’un bourgeois de campagne ».

Géronimo, l’artiste, représente la vie en marge, dans le monde de la musique, dans l’instant et sans perspectives.

Pour les arrivistes, le slogan est: chacun pour soi, et tous les moyens sont bons.

Il est difficile à introduire une fois pour toutes Julien Sorel dans une catégorie bien définie. Est-il arriviste, hypocrite, révolté, calculateur froid ou homme excessivement sensible?

Le caractère de Julien Sorel n’est pas déjà fait, il change.

Quand même, il peut être caractérisé par manque de clairvoyance.

Il se trompe quand il s’appelle: « paysan », « fils d’ouvrier », « domestique ». En réalité, en raison de son éducation, il est un petit-bourgeois.

Ce personnage qui se veut fin diplomate, au courant des règles du monde et froid calculateur, se révèle le plus souvent étourdi, ignorant et ingénu, impulsif et d’une sensibilité excessive.

Passionné par Napoléon.

Au séminaire attire l’inimitié de tous et gagne le surnom de « Martin Luther ».

L’abbé Pirard lui dit: « Je vois en toi quelque chose qui offense le vulgaire. La jalousie et la calomnie te poursuivront. En quelque lieu que la Providence te place, te compagnons ne te verront jamais sans te haïr. »

Il n’a pas de plan à longue terme.

Il n’a aucun don naturel pour la dissimulation. Il joue ses rôles sans enthousiasme.

Par ses objectifs qu’il se propose dans la société, le personnage est ambigu.

Son éducation a fait de lui un intellectuel petit-bourgeois souffrant de sa singularité, du décalage entre sa « valeur » et la place qui lui est réservée dans la société.

Il abhorre son pays.

Le poste de précepteur chez M. de Rênal ne fait qu’exacerber sa fierté.

Pour lui, la réussite est une revanche sociale. Les nobles et les riches ne sont pas des modèles à envier, mais des gens à combattre.

En maintes occasions, il se laisse éblouir par les honneurs, le luxe, l’élégance. Il reconnaît à la fin avoir été dupe des apparences.

Il existe dans sa tête une contradiction entre le désir de réussite individuelle et l’aspiration à une société libre.

Le grand modèle de Julien est Napoléon. C’est un attachement émotive, et le résultat est une vision mythique sur l’histoire. Encore, il y a une inadéquation entre ses rêves révolutionnaires et la situation historique réelle sous la Restauration.

De temps en temps il a des brefs éclats de lucidité, qu’il n’analyse guère.

L’échec de Julien est celui de toute une jeunesse, élevée durant la période révolutionnaire, et qui vient se briser contre les réalités brutales de l’économie capitaliste; celle-ci n’a plus besoin d’héroïsme « romain » et d’idéologie jacobine: il n’y a plus de place pour les aventuriers, les « conquérants » solitaires (sinon les capitaines d’industrie).

Il existe dans le roman une dimension moralisatrice: montrer à ces jeunes gens « des basses classe trop bien élevées » des illusions à éviter, les mythes à démasquer, les vrais ennemis et les vrais amis, c’est donner une leçon de clairvoyance et donc une possibilités de bonheur.


Amour et conscience de classe

L’objet de son premier amour est Mme de Rênal. Une dimension importante est celle olfactive: il aime son parfum, le parfum de ses vêtements et de ses chapeaux.

Obtenir ses faveurs, ce n’est pas gagner un plaisir, mais obtenir un succès social.
Ses sentiments, ses interprétations des réactions de la femme ne sont pas érotiques, mais formulées par la prisme de la lutte des classes sociales.

Il y a une contradiction dans l’amour de Julien: il aime Mme Rênal parce qu’elle lui est socialement supérieure, et pourtant c’est cette différence de classe sociale qui empêche cet amour d’être complet.

Du point de vue de Mme de Rênal, l’humble origine de Julien n’a fait que favoriser la naissance de l’amour.

Le deuxième amour est celui avec Mathilde de La Mole.

La première impression est négative, Julien tombera amoureux plus tard, par réflexion. Les jouissances seront celles de la vanité.

Il existe une fréquence comique des métaphores militaires dans le discours intérieur de Julien quand il pense à Mathilde.

Etre aimé par Mathilde, c’est se hisser magiquement au rang des grands seigneurs qui l’éblouissent, malgré le mépris qu’il s’imagine éprouver à leur égard. Le désir pour Mathilde est essentiellement inauthentique. Elle n’est désirable que parce les autres la désirent, sa possession n’est un plaisir que parce qu’elle est un triomphe sur les autres.

L’amour de Mathilde pour Julien n’est pas plus pur. Sa source est surtout le désir d’affronter des périls et de braver sa position sociale. Son amour, du début à la fin, est sous le signe du spectaculaire et de la provocation.

Le rôle que joue la conscience de classe dans la naissance et le développement du sentiment amoureux chez les héros du Rouge est essentiel. La bonne et timide Mme de Rênal ne serait jamais prise d’affection pour Julien s’il ne lui était d’abord apparu comme un « enfant à guider, à protéger, à éduquer, parce que sa basse naissance le laissait ignorant et dénué à tout. Loin d’être un « domaine réservé », l’amour est le champ de bataille où Julien livre son combat pour être reconnu comme un égal par celles qui lui sont socialement supérieures, et pour se venger de ceux qui le méprisent. Il est enfin le terrain privilégié où Mathilde décide de prouver qu’elle est un être extraordinaire.


Le triomphe de Julien

Il arrive à se faire nommer lieutenant de hussards, et il troque son nom contre le titre de chevalier de La Vernaye.

Au moment où l’arriviste était « arrivé », le marquis de La Molle reçoit la lettre de Mme de Rênal. Julien va à Verrières et la tue dans l’église.

Le dénouement du roman est bizarre, un peu faux. Tous les personnages perdent la tête.

Toutes les analyses de la critique conduisent à une seule solution: Stendhal tue Julien par manque d’art, parce qu’il ne savait pas qu’en faire.

Du point de vue de Julien Sorel, le crime est un acte par lequel il conserve son honneur et sa propre estime.

Pendant le procès, Julien Sorel rejoint le camp des protestataires, au moins par le discours.

La fin du Rouge est construit sur un double coup de théâtre: d’abord, le héros est précipité du haut de son succès. Deuxièmement, il constate qu’après avoir perdu tout socialement, il a tout gagné.

Paradoxalement, il devient vraiment libre en prison. Il peut jouir de ses sentiments sans les ombrager avec les calculs sociaux.


Le travail de la forme chez Stendhal

Son style se rapproche un peu trop à celui de Montesquieu.

Stendhal prône l’emploi d’une expression classique. Il s’insurge contre Chateaubriand. Pour lui, la forme doit être seconde par rapport à l’idée.

Le style de Stendhal se situe en continuation du XVIIIe siècle. Par contre, tout au long du XIXe siècle, l’expression va cesser d’être transparente pour devenir un obstacle à l’expression, une fin en soi, une recherche autonome.

Sa langue est sobre, peu descriptive, utilisant des tours allusifs, des ellipses, préférant aux articulations logiques la juxtaposition des éléments de la phrase.
Stendhal écarte la description pour elle même, le pittoresque en soi. Il préfère le typique à l’anecdotique, les lignes de force aux détails.

Il élimine la vision panoramique d’un témoin idéal parce que la réalité n’est jamais perçue qu’à travers la personnalité de ses protagonistes. On peut donc parler d’un « réalisme subjectif ».

Le lecteur découvre le monde par le personnage, et avec le personnage.

1 comentarii:

Justin PICANDET a dit…

Je constate avec dépit que votre bel article a été plagié :

http://www.dissertationsgratuites.com/dissertations/Le-Rouge-Et-Le-Noir-De/337436.html