samedi, mai 31, 2008

L’acrostiche

L’acrostiche est pratiqué depuis l’Antiquité (Plaute). On le trouve même dans la Bible. On en connaît de célèbres. A la cour des rois, on s’en servait pour quémander:

Louis est un héros sans peur et sans reproche.
On désire le voir. Aussitôt qu’on l’approche
Un sentiment d’amour enflamme tous les cœurs:
Il ne trouve chez nous que des adorateurs;
Son image est partout, excepté dans ma poche.


Comment, après un tel poème, Louis XIV pouvait-il refuser une bourse à l’auteur démuni de pièces de son effigie?

D’autres, plus perfides, utilisèrent l’acrostiche pour régler des comptes. S’étant querellé avec Mangeot, directeur de gazette, l’humoriste Willy lui envoya un sonnet, que Mangeot publia. Il n’avait sûrement pas lu les premières lettres du poème!

Musique, tu me fus un palais enchanté
Au seuil duquel menaient d’insignes avenues;

Nuit et jour, des vitraux aux flammes continues,
Glissaient une adorable et vibrante clarté.

Et des chœurs alternant – dames de volupté,
Oréades, ondins, faunes, prêtresses nues –

Toute la joie ardente essorait vers les nues,
Et toute la langueur et toute la beauté.

Sur un seul vœude moi, désir chaste et lyrique,
Ta fertile magie a toujours, ô musique!
Bercé mon tendre songe ou mon brillant désir.

Et quand viendra l’instant ténébreux et suprême,
Tu sauras me donner le bonheur de mourir,
En refermant les bras sur le Rêve que j’aime!


M A N G E O T E S T B Ê T E

Et signalons l’existence d’acrostiches en fin de vers:

Quand Adam fut créé, tout seul il s’ennuy A
Dans de vagues pensées trop souvent absor B
Il supliait son Dieu de les faire ces C (...)
(...) Et qu’un Dieu protecteur nous soutienne et nous Z.

(Anonyme, fin du XIXe siècle)

L’acrostiche se pratique encore à l’aide de syllabes ou de mots. Cet échange « poétique » entre Musset et G. Sand est resté fameux. Musset à G. Sand:

Quand je mets à vos pieds un éternel hommage,
Voulez-vous qu’un instant je change de visage?
Vous avez capturé les sentiments d’un cœur
Que pour vous adorer forma le Créateur.
Je vous chéris, amour, et ma plume en délire
Couche sur le papier ce que je n’ose dire.
Avec soin de mes vers lisez les premiers mots:
Vous saurez quel remède apporter à mes maux.


G. Sand à Musset:

Cette insigne faveur que votre cœur réclame
Nuit à ma renommée et répugne à mon âme.


Acrostiche réduit, celui-ci compose un nom à raison d’un mot par lettre (Racine):

Rivalisant Avec Corneille Il Nous Etonna. (A. Duchesne)

Madame Eurydice Reviendra Des Enfers. (J. Cocteau, Orphée)



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