Molière, Le Misanthrope (notes de lecture)
Personnages
Alceste, amant de Célimène
Philinte, ami d’Alceste
Oronte, amant de Célimène
Célimène, amante d’Alceste
Eliante, cousine de Célimène
Arsinoé, amie de Célimène
Acaste, marquis
Clitandre, marquis
Basque, valet de Célimène
Un garde de la maréchaussée de France
Du Bois, valet d’Alceste
La scène est à Paris.
Acte premier
Scène I. Philinte, Alceste
Querelle entre Alceste et Philinte. Le premier est pour la sincérité totale entre les relations humaines, coûte que coûte. Le deuxième est pour la moderation à l’égard du dévoilement des opinions personnelles.
Opinion de Philinte: « Lorsqu’un home vous vient embrasser avec joie, / Il faut bien le payer de la même monnoie, / Répondre, comme on peut, à ses empressements. / Et render offre pour offre, et serments pour serments. »
Opinion d’Alceste: « Quel avantage a-t-on qu’on homme vous caresse, / Vous jure amitié, foi, zèle, estime, tendresse, / Et vous fasse de vous un éloge éclatant, / Lorsque au premier faquin il court en faire autant? / Non, non, il n’est point d’âme un peu bien située / Qui veuille d’une estime ainsi prostituée; / Et la plus glorieuse a des régals peu chers; / Dès qu’on voit qu’on nous mêle avec tout l’univers: / Sur quelque préférence une estime se fonde, / Et c’est n’estimer rien qu’estimer tout le monde. / [...] Je refuse d’un cœur la vaste complaisance / Qui ne fait de mérite aucune différence; / Je veux qu’on me distingue; et pour le trancher net, / L’ami du genre humain n’est point du tout mon fait. »
Philinte désapprouve la position de son ami: « Ce chagrin philosophe est un peu trop sauvage. »
Alceste: « Tous les hommes me sont à tel point odieux, / Que je serais fâché d’être sage à leurs yeux. »
Alceste: « Oui, j’ai conçu pour elle [la nature humaine – n.n.] une effroyable haine. »
Alceste: « [...] je hais tous les hommes; / Les uns, parce qu’ils sont méchants et malfaisants; / Et les autres, pour être aux méchants complaisants, / Et n’avoir pas pour eux ces haines vigoureuses / Que doit donner le vice aux âmes vertueuses ».
Philinte veut corriger son ami: « Mon Dieu, des mœurs du temps mettons-nous moins en peine, / Et faisons un peu grâce à la nature humaine; / Ne l’examinons point dans la grande rigueur, / Et voyons ses défauts avec quelque douceur. / Il faut, parmi le monde, une vertu traitable; / A force de sagesse, on peut être blâmable; / La parfaite raison fuit toute extrémité, / Et veut que l’on soit sage avec sobriété. / Cette grande roideur des vertus des vieux âges / Heurte trop notre siècle et les communs usages; / Elle veut aux mortels trop de perfection: / Il faut fléchir au temps sans obstination; / Et c’est une folie à nulle autre seconde / De vouloir se mêler de corriger le monde. / J’observe, comme vous, cent choses tous les jours, / Qui pourraient mieux aller, prenant un autre cours; / Mais quoi qu’à chaque pas je puisse voir paraître, / En courroux, comme vous, on ne me voit point être; / Je prends tout doucement les hommes comme ils sont, / J’accoutume mon âme à souffrir ce qu’ils font; / Et je croix qu’à la cour, de même qu’à la ville, / Mon flegme est philosophe autant que votre bile. »
Philinte se déclare absolument équilibré devant les vices de la nature humaine: « Et mon esprit enfin n’est pas plus offensé / De voir un homme fourbe, injuste, intéressé, / Que de voir des vautours affamés de carnage, / Des singes malfaisants, et des loups pleins de rage. »
Alceste est entraîné dans un procès. Bizarrement, il veut le perdre, en dépit du fait qu’il a raison. Philinte ne comprend pas comment son ami, qui déteste si fort les défauts à la mode, est epris de la veuve Célimène « de qui l’humeur coquette et l’esprit médisant / Semble si fort donner dans les mœurs d’à présent ». Alceste l’assure qu’il voit bien les défaut de sa bien-aimée, mais qu’il l’aime quand même et qu’il espère la corriger par « sa flamme ». Philinte lui conseille Eliante à « cœur solide et sincère ».
Scène II. Oronte, Alceste, Philinte
Oronte déclare le désir de devenir l’ami d’Alceste: « J’ai monté pour vous dire, et d’un cœur véritable, que j’ai conçu pour vous une estime incroyable, / Et que, depuis longtemps, cette estime m’a mis / Dans un ardent désir d’être de vos amis. / Oui, mon cœur au mérite aime à rendre justice, / Et je brûle qu’un nœud d’amitié vous unisse: / Je crois qu’un ami chaud, et de ma qualité / N’est pas assurément pour être rejeté. »
Alceste cherche un subterfuge pour refuser la proposition d’Oronte: « Monsieur, c’est trop d’honneur que vous me voulez faire; / Mais l’amitié demande un peu plus de mystère, / Et c’est assurément en profaner le nom / Que de vouloir le mettre à toute occasion. / Avec lumière et choix cette union veut naître; / Avant que nous lier, il faut nous mieux connaître; / Et nous pourrions avoir telles complexions, / Que tous deux du marché nous nous repentirions. »
Alceste, sur le fait d’écrire des vers: « [...] il faut qu’un galant homme ait toujours grand empire / Sur les démangeaisons qui nous prennent d’écrire; / Qu’il doit tenir la bride aux grands empressements / Qu’on a de faire éclat de tels amusements; / Et que, par la chaleur de montrer ses ouvrages, / On s’expose à jouer de mauvais personnages. »
Encore une fois, Alceste sur la manie d’écrire: « Quel besoin si pressant avez-vous de rimer? / Et qui diantre vous pousse à vous faire imprimer? / Si l’on peut pardonner l’essor d’un mauvais livre, / Ce n’est qu’aux malheureux qui composent pour vivre. / Croyez-moi, résistez à vos tentations, / Dérobez au public ces occupations; / Et n’allez point quitter, de quoi que l’on vous somme, / Le nom que dans la cour vous avez d’honnête homme, / Pour prendre, de la main d’un avide imprimeur, / Celui de ridicule et misérable auteur. »
Alceste ferait un bon critique: « Ce style figuré, dont on fait vanité, / Sort du bon caractère et de la vérité; / Ce n’est que jeu de mots, qu’affectation pure, / Et ce n’est point ainsi que parle la nature. / Le méchant goût du siècle, en cela, me fait peur, / Nos pères, tous grossiers, l’avaient beaucoup meilleur ».
Scène III. Philinte, Alceste
Philinte à Alceste: « [...] pour être trop sincère, / Vous voilà sur les bras une fâcheuse affaire ».
Acte II
Scène I. Alceste, Célimène
Alceste fait des reproches à Célimène: « Vous avez trop d’amants qu’on voit vous obséder, / Et mon cœur de cela ne peut s’accomoder. »
Alceste reproche à Célimène son penchant pour Clitandre: « Mais au moins dites-moi, Madame, par quel sort / Votre Clitandre a l’heur de vous plaire si fort? / Sur quel fonds de mérite et de vertu sublime / Appuyez-vous en lui l’honneur de votre estime? / Est-ce par l’ongle long qu’il porte au petit doigt / Qu’il s’est acquis chez vous l’estime où l’on le voit? / Vous êtes-vous rendue, avec tout le beau monde, / Au mérite éclatant de sa perruque blonde? / Sont-ce ses grands canons qui vous le font aimer? / L’amas de ses rubans a-t-il su vous charmer? / Est-ce par les apas de sa vaste rhingrave / Qu’il a gagné votre âme en faisant votre esclave? / Ou sa façon de rire et son ton de fausset / Ont-ils de vous toucher su trouver le secret? »
Echange de répliques: Célimène: « Mais de tout l’univers vous devenez jaloux. » Alceste: « C’est que tout l’univers est bien reçu de vous. »
Célimène: « l’on n’a vu jamais un amour si grondeur. »
Scène II. Célimène, Alceste, Basque
Célimène reçoit Acaste. Alceste en est mécontent. Célimène justifie son geste par des raisons sociales et de bienséance.
Scène III. Basque, Alceste, Célimène
Basque annonce aussi Clitandre. Alceste veut s’en aller.
Scène IV. Eliante, Philinte, Acaste, Clitandre, Alceste, Célimène, Basque
Alceste exige que Célimène s’explique publiquement en ce qui concerne ses choix amoureux.
Discussion de salon « contre le prochain » (Eliante) entre Clitandre, Acaste, Philinte et Célimène. Les commentaires sont intelligents et méchants.
Alceste, qui écoute toutes les caractérisations, tranche net: « Allons, ferme, poussez, mes bons amis de cour; / Vous n’en épargnez point, et chacun a son tour: / Cependant aucun d’eux à vos yeux ne se montre, / Qu’on ne vous voie, en hâte, aller à sa rencontre, / Lui présenter la main, et d’un baiser flatteur / Appuyer les serments d’être son serviteur. »
Célimène considère qu’Alceste contredit uniquement pour contredire. Philinte reproche à son ami de ne jamais être d’accord avec personne.
Alceste avoue aimer Célimène, tout en voyant ses défauts: « Plus on aime quelqu’un, moins il faut qu’on le flatte; / A ne rien pardonner le pur amour éclate ».
Selon Eliante, les amoureux tendent à changer les noms des défauts appartenant aux personnes aimées: « La pâle est aux jasmins en blancheur comparable; / La noire à faire peur, une brune adorable; / La maigre a de la taille et de la liberté; / La grasse est dans son port pleine de majesté; / La malpropre sur soi, de peu d’attraits chargée, / Est mise sous le nom de beauté négligée; / La géante paraît une déesse aux yeux; / La naine, un abrégé des merveilles des cieux; / L’orgueilleuse a le cœur digne d’une couronne; / La forube a de l’esprit; la sotte est toute bonne; / La trop grande parleuse est d’agréable humeur; / Et la muette garde son honnête pudeur. »
Scène V. Basque, Alceste, Célimène, Eliante, Acaste, Philinte, Clitandre
Basque annonce Alceste qu’un homme voudrait lui parler.
Scène VI. Un garde, Alceste, Célimène, Eliante, Acaste, Philinte, Clitandre
Le garde l’appelle pour se prononcer sur des vers faits par Oronte.
Acte III
Scène I. Clitandre, Acaste
Clitandre veut décourager Acaste dans la concurrence pour le cœur de Célimène. Clitandre lui propose une entente: « Que qui pourra montrer une marque certaine / D’avoir meilleure part au cœur de Célimène, / L’autre ici fera place au vainqueur prétendu / Et le délivrera d’un rival assidu? » (p. 126)
Scène II. Célimène, Acaste, Clitandre
Célimène dit avoir entendu une carrosse.
Scène III. Basque, Célimène, Acaste, Clitandre
La nouvelle venue est Arsinoé. Célimène la déteste.
Scène IV. Arsinoé, Célimène
Célimène à Arsinoé: « Madame, sans mentir, j’étais de vous en peine. [...] Ah! mon Dieu! que je suis contente de vous voir! »
Arsinoé dit à Célimène qu’il y a un jour celle-ci avait été discutée d’une manière défavorable pendant une recontre, mais qu’elle l’avait défendue. Célimène lui dit absolument la même chose. Chacune comprend que l’autre vient de dire son opinion à soi. Petite querelle.
Scène V. Alceste, Arsinoé
Arsinoé assure Alceste qu’il est très aimé à la cour, et très loué par « des gens d’un grand poids ». Alceste répond: « Eh! Madame, l’on loue aujourd’hui tout le monde, / Et le siècle par là n’a rien qu’on ne confonde; / Tout est d’un grand mérite également doué, / Ce n’est plus un honneur que de se voir loué; / D’éloges on regorge, à la tête on les jette, / Et mon valet de chambre est mis dans la Gazette. »
Arsinoé dit à Alceste que Célimène est indigne de son amour.
Acte IV
Scène I. Eliante, Philinte
Philinte raconte à la première personne de quelle manière Alceste a commenté les essais littéraires de quelqu’un: « De quoi s’offense-t-il? et que veut-il me dire? / Y va-t-il de sa gloire à ne pas bien écrire? / Que lui fait mon avis, qu’il a pris de travers? / On peut être honnête homme et faire mal des vers; / Ce n’est point à l’honneur que touchent ces matières; / Je le tiens galant homme en toutes les manières, / Homme de qualité, de mérite et de cœur, / Tout ce qu’il vous plaira, mas fort méchant auteur. / Je louerai, si l’on veut, son train et sa dépense, / Son adresse à cheval, aux armes, à la danse; / Mais pour louer ses vers, je suis son serviteur; / Et lorsque d’en mieux faire on n’a pas le bonheur, / On ne doit de rimer avoir aucune envie, / Qu’on n’y soit condamné sur peine de la vie. »
Eliante apprécie l’humeur d’Alceste: « Et la sincérité dont son âme se pique / A quelque chose, en soi, de nombre et d’héroïque. / C’est une vertu rare au siècle d’aujourd’hui, / Et je la voudrais voir partout comme chez lui. »
Philinte ne comprend pas comment Alceste peut préfèrer Célimène à Eliante. Celle-ci avoue aimer Alceste, mais se dit prête à accepter le choix du cœur du jeune homme. Philinte suggère qu’il aimerait recevoir l’amour d’Eliante.
Scène II. Alceste, Eliante, Philinte
Alceste dit que Célimène le trompe. Il désire qu’Eliante le venge « en recevant son cœur ».
Scène III. Célimène, Alceste
Alceste accuse Célimène de trahison en amour. Sa preuve est un billet écrit par celle-ci et adressé à Oronte.
Alceste déclare son amour pour Célimène: « Ah! rien n’est comparable à mon amour extrême; / Et dans l’ardeur qu’il a de se montrer à tous, / Il va jusqu’à former des souhaits contre vous. / Oui, je voudrais qu’aucun ne vous trouvât aimable / Que vous fussiez réduite en un sort misérable, / Que le Ciel, en naissant, ne vous eût donné rien, / Que vous n’eussiez ni rang, ni naissance, ni bien, / Afin que de mon cœur l’éclatant sacrifice / Vous pût d’un pareil sort réparer l’injustice, / Et que j’eusse la joie et la gloire, en ce jour, / De vous voir tenir tout des mains de mon amour. » (p. 143)
Scène IV. Du Bois, Célimène, Alceste
Du Bois annonce son maître qu’un mystérieux homme en noir lui a laissé un billet.
Acte V
Scène I. Alceste, Philinte
Alceste annonce Philinte qu’il vient de perdre le procès et doit payer vingt mille francs. Il décide de se « tirer du commerce des hommes ».
Philinte plaide pour la société des hommes, telle qu’elle est: « Mais est-ce une raison que leur peu d’équité / Pour vouloir se tirer de leur société? / Tous ces défauts humains nous donnent dans la vie / Des moyens d’exercer notre philosophie. »
Scène II. Oronte, Célimène, Alceste
Oronte et Alceste demandent à Célimène de choisir un d’eux. Celle-ci essaie de ne pas se prononcer.
Scène III. Eliante, Philinte, Célimène, Oronte, Alceste
Eliante se prononce « pour les gens qui disent leur pensée ».
Scène dernière. Acaste, Clitandre, Arsinoé, Philinte, Eliante, Oronte, Célimène, Alceste
Acaste, Clitandre, Arsinoé et Oronte accusent Célimène d’avoir écrit un billet plein de radots sur la personnalité de chacun d’eux. Alceste se déclare prêt à pardonner sa bien aimée, à la seule condition qu’elle soit prête à quitter le monde pour vivre uniquement avec lui. Célimène refuse.
Alceste déclare son amour à Eliante. Celle-ci accepte, encouragée par la générosité de Philinte.
mardi, avril 03, 2007
Publié par:
Radu Iliescu
le
mardi, avril 03, 2007
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