jeudi, juillet 24, 2008

Lettre à un futur bachelier

Lumière sur les métiers du livre et de l’image

De nombreuses personnes, en l’occurence [1] les bacheliers [2], s’interrogent sur les options qu’ils vont prendre pour continuer leurs études. Je me suis moi-même posé ces questions. Ce qui me tient à cœur dans cet article, c’est de vous faire découvrir un secteur qui mérite vraiment votre attention et qui retiendra peut-être votre choix...

Les métiers de l’image et du livre sont malheureusement peu connus. Ce secteur offre pourtant des possibilités de carrière non négligeables. L’ensemble des métiers regroupés dans ce secteur se retrouve intimement lié dans une organisation que l’on nomme chaîne graphique.

En amont [3] de la chaîne se trouvent les métiers de la création (Formation en arts appliqués). Les créateurs travaillent en étroite collaboration avec le client afin de [4] mettre en forme une échauche [5] (Rough) de l’objet graphique (Livre, brochure, dépliant...) que le client souhaite compétence. Les créateurs doivent savoir manier les outils de retouche d’images, la photographie, le dessin à main levée, les règles typo et de mise en page. Une fois que le client a validé une maquette le second intervenant est le secteur prépresse. Le but de ce secteur est de transformer une maquette en un boulot [6] totalement imprimable. Dans ce secteur, un nombre assez impressionnant de métiers interviennent. Les techniciens connaissent parfaitement les procédés d’impression, les techniques de retouche d’image, de mise en page et les outils réalisent les souhaits du créateur à partir d’un briefe [7] et de la maquette.

D’autres métiers interviennent dans ce secteur, les relecteurs (Formation littéraire), les photographes (Bac pro et diplôme spécialisé)...

Une fois que la forme imprimante est prête, le travail passe au secteur impression. Un fabricant (Bac spécialisé: production graphique) met en place tous les éléments nécessaires à l’impression de l’ouvrage (Achat d’une prestation d’impression, choix des matières papier et encres et commande de l’ensemble des prestations). Au cours de l’impression, le fabricant est le garant de la qualité de l’ouvrage (Requiert beaucoup de technicité). C’est lui qui s’assure de la bonne marche de la production, dans certains cas de la création à la livraison et plus couramment du prépresse à la livraison.

Dans le domaine de l’impression et du façonnage, de nombreux métiers existent comme conducteur de machine d’impression (Bac professionnel), brocheur [8], façonnier...

Il y aurait tellement à dire. Je ne peux pas monopoliser votre temps sous risque de vous endormir. Je conclurai par vous dire que les métiers du livre et de l’image offrent à tous les niveaux (BAC pro ou BAC général) la possibilité de s’épanouir [9] et de s’éclater. Je le conseille d’autant plus à ceux qui ont une véritable sensibilité et à ceux à qui une remise en cause perpétuelle ne fait pas peur.

Notes:

[1] en l’occurrence – dans le cas présent;

[2] bachelier (n.m.) – titulaire du baccalauréat;

[3] en amont – au-dessus de; ≠ en aval;

[4] afin de – pour;

[5] ébauche (n.f.) – (fam.) briefe (voir aussi 7);

[6] boulot (n.m.) – (fam.) travail;

[7] briefe (n.m.) – croquis, esquisse, essai;

[8] brocheur (n.m.) – ouvrier dont le métier est de brocher des livres;

[9] (s’)épanouir (v.II) – se développer

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dimanche, juillet 13, 2008

Les professionnels

Une grande dame du journalisme français

Du journalisme, Françoise Giroud disait: « C’est là où bat le cœur du monde. » Martine de Rabaudy, qui avait signé en 2001 avec elle un livre intitulé Profession journalisme, raconte ici l’itinéraire d’une passionnée.

La passion pour le journalisme, elle la doit, au départ, plus aux circonstances qu’à une détermination: « Je venais du cinéma, où j’avais été script-girl, puis assistante et dialoguiste de Jean Renoir. J’écrivais alors de petits contes pour gagner ma vie. Je les ai présentés à Hervé Mille, le directeur de la rédaction de Paris Soir qui m’a engagée pour rédiger des articles sur le milieu du spectacle. »

Mais c’est avec Hélène Lazareff, fondatrice de Elle qu’elle va trouver sa voie. Nommée rédactrice en chef, son style, son ton, ses convictions vont transformer la conscience des lectrices du magazine. A Elle, Françoise Giroud engage son premier combat pour les femmes, qui devient plus tard, dès 1974, la définition même de sa mission de secrétaire d’Etat à la Condition féminine auprès de Valéry Giscard d’Estaing.

Sa rencontre avec Jean-Jacques Servan-Schreiber, journaliste de politique étrangère au Monde et à Paris-Presse le fait quitter Elle. Le 16 mai 1953 paraissait le premier numéro de L’Express. Quand Servan-Schreiber est rappelé sous les drapeaux, le journal est laissé aux seules mains d’une femme. Giroud fait preuve de ténacité et professionnalisme. Vingt années, de 1953 à 1974, Françoise Giroud sera l’exemple unique dans la presse d’une femme à la tête d’un newsmagazine. Patronne exceptionnelle, aux dires de ceux à qui elle a enseigné le métier. Elle aimait à préciser: « On ne dirige pas les journalistes, il s’agit de les stimuler, de leur inspirer confiance. On leur transmet ce que l’on sait. L’écriture ne s’apprend pas, elle se travaille. »

En 1977, elle quitte le journal qu’elle a créé et dirigé plus de vingt ans, L’Express, pour se dédier à l’écriture romanesque. Elle publie un récit lucide et cruel, La Comédie du pouvoir, qui rencontre le succès et un nouveau public, qui ne la quittera plus. Vingt livres suivront: biographies, mémoires, romans (Ce que je crois, Le bon plaisir, Les taches du léopard).

Ecrire des livres à succès n’avait pour autant jamais compensé la souffrance de ne plus érire régulièrement dans un journal. C’est pourquoi, quand en 1982 Jean Daniel lui propose la rubrique télévision du Nouvel Observateur, elle accepte avec bonheur. Cette rubrique lui permettait de commenter l’actualité politique, sociale et internationale. Elle avait fait sienne cette phrase de son très cher Paul Valéry: « J’ai beau faire, tout m’intéresse. »

J’ignorais qu’elle avait 86 ans. J’aimais sa vivacité et la hauteur de son esprit. Ce qu’elle a été pour nous? De l’intelligence, du courage, du style, mais aussi de l’élégance.

(d’après Le Nouvel Observateur)

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Apprendre la mode

L’expression école de mode paraît claire, mais englobe pourtant différents styles d’enseignement. La formation « de mode » a en effet la particularité de mêler création et technique, deux pôles qui ne sont pas indissociables. La base de la technique doit bien sûr être acquise, mais il n’est pas nécessaire d’être un couturier émérite pour faire une belle carrière dans la mode. Comme il n’est pas indispensable de savoir dessiner pour coudre parfaitement...

La plupart des cursus proposent des formations de stylisme et de modélisme (en privilégiant plus ou moins l’un ou l’autre domaine). Le stylisme est la création du vêtement et de l’accessoire et le modélisme la traduction fidèle des deux dimensions du dessin aux trois dimensions du prototype.

Plusieurs connaissances sont alors nécessaires, du patronage à la coupe et à la couture. Si la première formation attire beaucoup de jeunes par son côté artistique et le rêve qu’il procure (mettre son nom sur une étiquette...), peu sont très charmés par la dimension technique de la deuxième. En effet, le côté glamour des défilés entrevus à la télé cache largement la réalité du métier qui demande talent, passion, persévérance et nécessite un amour du travail bien fait, une patience et un sens du détail sans cesse en éveil. Comme tant d’autres disciplines dites manuelles, les métiers de la couture n’ont pas énormément de succès.

Un diplôme a plus de valeur pour ce qu’on a appris de la personnalité qui l’accompagne, qu’en tant que garantie d’emploi. Même s’il sert, dans certains cas, de sésame pour entrer dans les grandes maisons. Si vous avez envie de vous lancer dans l’aventure, vous pourrez aussi bien ouvrir une boutique dans votre quartier et développer une clientèle sur mesure que vous lancer à l’assaut des maisons de couture étrangères, ou encore vous faire engager dans une société commerciale, créer votre label et le vendre aux quatre coins du monde. Comme coudre des vêtements de poupée pour les petites filles...

Etre créateur de mode, c’est un peu comme être musicien: quand on connaît la musique, on peut aussi bien jouer le samedi soir à la maison, dans une fanfare de village que dans un orchestre symphonique, graver son album à la maison ou signer avec une grande maison de disque, préférer les Francofolies au Palais des Beaux-Arts ou partir tenter l’aventure à Paris ou à New-York...

(d’après Véronique Heene, « Apprendre la mode », Wallonie/Bruxelles no 87, septembre 2004)

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Lettre à une élève

Votre lettre m’a effrayée. Si vous persistez à avoir pour principal objectif de connaître toutes les sensations possibles – car, comme état d’esprit passager, c’est normal à votre âge – vous n’irez pas loin. J’aimais bien mieux quand vous disiez aspirer à prendre contact avec la vie réelle. Vous croyez peut-être que c’est la même chose; en fait, c’est juste le contraire. Il y a des gens qui n’ont vécu que de sensations et pour les sensations; André Gide [1] en est un exemple. Ils sont en réalité les dupes de la vie, et, comme ils le sentent confusément, ils tombent toujours dans une profonde tristesse où il ne leur reste d’autre ressource que de s’étourdir en se mettant misérablement à eux-mêmes. Car la réalité de la vie, ce n’est pas la sensation, c’est l’activité, j’entends l’activité et dans la pensée et dans l’action. Ceux qui vivent de sensations ne sont, matériellement et moralement, que des parasites par rapport aux hommes travailleurs et créateurs, qui seuls sont des hommes. J’ajoute que ces derniers, qui ne recherchent pas les sensations, en reçoivent néanmoins de bien plus vives, plus profondes, moins artificielles et plus vraies que ceux qui les recherchent. Enfin la recherche de la sensation implique un égoïsme qui me fait horreur, en ce qui me concerne. Elle n’empêche évidemment pas d’aimer, mais elle amène à considérer les êtres aimés comme de simples occasions de jouir ou de souffrir, et à oublier complètement qu’ils existent par eux-mêmes. On vit au milieu des fantômes. On rêve au lieu de vivre.

En ce qui concerne l’amour, je n’ai pas de conseils à vous donner, mais au moins des avertissements. L’amour est quelque chose de grave où l’on risque souvent d’engager à jamais et sa propre vie et celle d’un autre être humain. On le risque même toujours, à moins que l’un des deux ne fasse de l’autre son jouet; mais en ce dernier cas, qui est fort fréquent, l’amour est quelque chose d’odieux. Voyez-vous, l’essentiel de l’amour, cela consiste en somme en ceci qu’un être humain se trouve avoir un besoin vital d’un autre être, besoin réciproque ou non, durable ou non, selon le cas. Dès lors le problème est de concilier un pareil besoin avec la liberté, et les hommes se sont débattus dans ce problème depuis des temps immémoriaux. C’est pourquoi l’idée de rechercher l’amour pour voir ce que c’est, pour mettre un peu d’animation dans une vie trop morne, me paraît dangereuse et surtout puérile. Je peux vous dire que quand j’avais votre âge, et plus tard aussi, et que la pensée de chercher à connaître l’amour m’est venue, je l’ai écartée en me disant qu’il valait mieux pour moi ne pas risquer d’engager toute ma vie dans un sens impossible à prévoir avant d’avoir atteint un degré de maturité qui me permette de savoir au juste ce que je demande en général à la vie, ce que j’attends d’elle. Je ne vous donne pas cela comme un exemple; chaque vie se déroule selon ses propres lois. Mais vous pouvez y trouver matière à réflexion. J’ajoute que l’amour me paraît comporter un risque plus effrayant encore que celui d’engager plus aveuglément sa propre existence; c’est le risque de devenir l’arbitre d’une autre existence humaine, au cas où on est profondément aimé. Ma conclusion (que je vous donne seulement à titre d’indication) n’est pas qu’il faut fuir l’amour, mais qu’il ne faut pas le rechercher, et surtout quand on est très jeune. Il vaut bien mieux alors ne pas le rencontrer, je crois.

(d’après Simone Veil, La condition ouvrière (XXe)

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Génération vidéophone

Avec le visiophone, téléphoner devient une affaire d’image

Les scènes de dialogues ordinaires autour du visiophone: « Allô, tu vas bien? » - « Oui, regarde comme j’ai bonne mine! » Variante pessimiste: « Allô? Dis donc t’en tires une drôle de tête, aujourd’hui! » A peine imaginaires, ces échanges révèlent un véritable changement dans notre rapport au téléphone. La voix, matière première de nos conversations téléphoniques, s’enrichit désormais de l’image.

Cela n’a l’air de rien. Après tout, ceux qui ont une web-cam peuvent depuis longtemps, grâce à la voix sur IP [1], parler tout en étant vu et en regardant leur interlocuteur. Avec tous les bénéfices que l’on peut imaginer: pallier l’éloignement d’un proche grâce à l’image, montrer des documents... Pour la grande majorité des abonnés au téléphone, l’arrivée de la vidéo dans l’univers de la téléphonie fixe s’apparente à une petite révolution. « L’idée n’est pas nouvelles, mais aujourd’hui les technologies pour le faire sont mûres », explique Denis Guibard, directeur du programme « videophony » ches France Télécom, premier opérateur français à proposer la visiophonie.

Le service « Ma ligne visio » fonctionne avec l’ADSL [2]. A la différence de l’Internet rapide, le débit de 512 Kb est ici partagé en deux, afin d’offrir en entrée et en sortie un débit de 256 Kb, gage d’une bonne qualité d’image pour les deux visionautes.

Nul besoin d’être abonné à Internet pour bénéficier du service. La visiophonie fonctionne comme une deuxième ligne téléphonique avec un numéro spécifique (préfixe 087). « 76% de nos lignes sont éligibles pour la visiophonie », précise France Télécom. Pour ceux qui ont déjà un abonnement au Web à haut débit, il est en revanche nécessaire d’être client de Wanadoo pour bénéficier du service.

Deux modèles de visiophone sont disponibles. Le L8772, très classique, et notre préféré, le L8882, au design beaucoup plus tendance. Quitte à adopter un service nouveau, autant que l’objet qui va avec puisse épater le visiteur, non?

Sur ce modèle, le socle accueille les touches de numérotation. L’écran, surmonté de la caméra, pivote comme le clapet d’une console de jeux double écran. Le combiné se branche sur le côté. Bien que le visiophone soit doté d’une fonction « mains libres », le combiné reste très utile pour discuter discrètement sans que toute la maisonnée soit au courant.

Sa présence rappelle aussi que « le visiophone est avant tout un téléphone », souligne Denis Guibard. De fait, on peut l’utiliser pour appeler indifféremment un poste fixe, un mobile et, bien entendu, un autre visiophone. Que ceux qui ont expérimenté la visiophonie sur mobile UMTS [3] se rassurent: les images transmises par le visiophone sont d’une grande fluidité, même en mode plein écrain. Et pas besoin de se coller au viseur de la caméra. L’angle de prise de vue autorise un recul suffisant pour se tenir à plusieurs dizaines de centimètres de l’objectif.

Par ailleurs, chaque utilisateur est libre d’accepter ou non la visiophonie. Une touche permet de couper à tout instant le flux vidéo. Une arme à double tranchant. Car refuser que l’autre vous voie signifie forcément quelque chose et risque d’alimenter la curiosité de votre interlocuteur. Voilà un nouveau champ d’investigation très intéressant qui s’ouvre pour les sciences cognitives et la sociologie!

Le visiophone permet aussi de laisser des messages vidéo. Ils sont consultables à partir d’un portable Orange – en attendant des accords avec SFR [4] – ou d’un ordinateur avec Wanadoo visio.

Relié à un appareil photo numérique, le visiophone se fait également diffuseur d’images externes. Et comme l’opérateur historique n’oublie pas qu’il a un jour inventé le Minitel, des services de contenus vidéo à la demande (météo, infos...) sont accessibles avec une tarification spéciale.

(d’après Guillaume Fraissard, Le Monde)

Notes:

[1] IP – Internet Protocol Address

[2] ADSL – Asymmetric Digital Subscriber Line (Ligne d’abonné numérique à débit asymetrique)

[3] UMTS – Universal Mobile Telecommunications System (Système numérique de téléphonie mobile)

[4] SFR – Société Française de Radiotéléphonie.

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mercredi, juillet 09, 2008

L’amitié

Dans le jeune homme, deux instincts se combattent comme chez les oiseaux: c’est celui de vivre en bande et celui de s’isoler avec sa petite oiselle. Mais le goût de la camaraderie est longtemps le plus fort. Pour les jeunes gens, demeurer seul dans une chambre, c’est justement la seule épreuve qui leur paraisse insupportable; ainsi les voyez-vous s’attendre, s’appeler, s’abattre sur les bancs du Luxembourgs comme des pierrots, s’entasser dans les brasseries ou dans les bars. Ils n’ont pas encore de vie individuelle; ce sont ceux qui ont dû inventer l’expression « se sentir les coudes ». La vie collective en eux circule par les coudes. Comme la vie des moineaux en pépiements, celle des jeunes hommes se passe en conversations. [...]

La camaraderie mène à l’amitié: deux garçons découvrent entre eux une ressemblance: « Moi aussi... C’est comme moi... » tels sont les mots qui d’abord les lient. Voilà leur semblable enfin, avec qui s’entendre à demi-mot. Sensibilités accordées! Les mêmes choses les blessent et les mêmes les enchantent. Mais c’est aussi par leur différences qu’ils s’accordent: chacun admire dans son ami la vertu dont il souffrait d’être privé.

Peut-être ont-ils aimé déjà; mais que l’amitié les change de l’amour! Peut-être l’amour n’a-t-il rien pu contre leur solitude ou s’étaient-ils trouvés seuls en face d’un être mystérieux, indéchiffrable, d’un autre sexe – c’est-à-dire d’une autre planète. Car il arrive que la complice la plus chère ne parle pas notre langue et mette l’infini là où nous ne voyons que bagatelles. En revanche, rien de ce qui compte pour nous ne lui importe et notre logique lui demeure incompréhensible. La personne aimée est quelquefois un adversaire hors de notre portée, incontrôlable. C’est pourquoi l’amour se confond avec jalousie: qu’il est redoutable, l’être dont toutes les démarches nous surprennent et sont pour nous imprévisibles! De cette angoisse, Proust a composé son œuvre.

Dans l’amitié véritable, tout est clair, tout est paisible; les paroles ont un même sens pour les deux amis. Chacun sait ce que signifie respect de la parole donnée, discrétion, honneur, pudeur. Le plus intelligent rend ses idées familières au plus sensible; et le plus sensible lui ouvre l’univers de ses songes. Le bilan d’une amitié, c’est presque toujours des livres, une musique, une philosophie que nous n’eussions pas été capables d’aimer seuls. Chacun apporte à l’autre ses richesses. Faites cette expérience: évoquez les visages de votre entourage, interrogez chaque amitié: aucune qui ne représente une acquisition. Celui-là m’a prêté un bon livre, cet autre m’a aidé à déchiffrer la musique classique, avec celui-là, je fus à une exposition d’art... et mes yeux s’ouvrirent comme ceux de l’aveugle-né.

Mais les jeunes hommes sont redevables les uns aux autres d’acquisitions plus précieuses: le souci de servir une cause, et cela est particulier à la jeunesse dès qu’elle se groupe! Tous les mouvements sociaux, politiques, religieux ont marqué notre époque dans la mesure où ils ont été des « amitiés ». Dès qu’ils ne sont plus des amitiés, c’est le signe que la jeunesse s’en retire; alors ils deviennent des « partis »: une association d’intérêts; l’homme mûr y remplace le jeune homme. Nos jeunes amours ne nous ont-elles aussi enrichis et instruits? N’empêche que l’héritage de nos amours est plus trouble que celui de nos amitiés.

(d’après François Mauriac, Le Jeune homme)

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L’école à la petite semaine

Depuis la rentrée 1994, 16% des écoliers français étudient au rythme de la « semaine de quatre jours ». Cette formule, censée mieux correspondre à la capacité d’attention des étudiants, est loin de faire l’unanimité.

16% des écoliers français ont fait leur rentrée plusieurs jours avant les autres. Tous appartiennent à des écoles qui ont adopté ce système à la mode, « la semaine des trois dimanches ». Une expression sans doute plus jolie que « la semaine des quatre jours », plus apte en tous cas à faire passer la pilule. Car le débat sur les rythmes scolaires continue de faire des remous. [...]

Dans le camp favorable à « la semaine de trois dimanches », beaucoup de parents, désireux de profiter d’un vrai week-end avec leurs enfants, et des enseignants. Un argument pour eux: l’enquête menée par l’association « L’école pour demain » auprès de 10 000 enfants. Elle révèle que l’attention des élèves est meilleure le lundi et le jeudi et qu’en outre elle est meilleure après une coupure de 48 heures le week-end, plutôt que de 36 heures. Ces conclusions vont à l’encontre des travaux des chronobiologistes [1] qui ont démontré depuis des années que le lundi était un mauvais jour pour les écoliers. En revanche, on n’a pas encore étudié les incidences selon les différentes catégories socioprofessionnelles. Or ces résultats pourraient se révéler intéressants. Car les adversaires de la semaine des quatre jours dénoncent le risque d’augmentation des inégalités sociales.

Que feront-ils donc de tout ce temps libre les élèves des écoles de banlieue où la rue et la télé leur tient déjà lieu d’occupations principales le mercredi [2]? C’est la question qu’on se pose. Mais on estime qu’ « il ne peut y avoir de modèle unique. Dans certains quartiers défavorisés, il faut que les collectivités locales et les associations prennent le relais de l’école. Sinon la suppression d’un jour d’école accentuera encore les clivages [3] ».

Autre argument des adversaires de la semaine des quatre jours, une enquête de la direction de l’évaluation et de la prospection du ministère de l’Education nationale qui montre une chute significative de l’enseignement des matières d’éveil au profit du français et des mathématiques. Résultat: si les élèves peuvent avoir de meilleurs résultats dans ces disciplines, c’est aux dépens [4] du reste. Pire que tout selon eux, la semaine des quatre jours ne s’attaque pas au vrai problème, celui des journées d’étude trop longues. Etre attentif du matin au soir est pour les étudiants, peu importe l’âge, une gageure [5] impossible à tenir et, sur ce point, toutes les études se rejoignent. Des journées moins lourdes entraîneraient moins de fatigue, donc moins de temps de récupération, donc une moindre nécessité de vacances. Mais voilà, elle supposerait que le programme des parents soit aussi modifié, pour qu’ils ne comptent plus sur les seuls week-ends « pour enfin profiter de leurs enfants. »

(d’après N. de S., Libération)

Notes:

[1] chronobiologistes: spécialistes des rythmes biologiques;

[2] mercredi: demi-journée libre (sans cours), traditionnellement;

[3] accentuer les clivages: accentuer les inégaliés;

[4] aux dépens de: au détriment de;

[5] une gageure: un pari à tenir, un défi à relever.

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La vie au lycée

Un établissement scolaire est un milieu conçu et organisé par les adultes pour transmettre à leurs successeurs leurs connaissances qu’ils estiment indispensables. Mais, pour les jeunes qui le fréquentent, c’est aussi tout autre chose: c’est un lieu de vie et de rencontres. C’est l’endroit où se passe le plus clair de leur temps. Or, la vie d’un jeune ne se réduit pas à l’acte d’apprendre. Il y a tant de choses à découvrir – ou à craindre – à cet âge... Or, cette dimension – essentielle – de la vie des adolescents n’est nullement prise en compte par le lycée. [...]

Une étude récente montre que, parvenus en troisième, les élèves ont une très forte réaction de rejet à l’égard de l’établissement: ils ne s’y sentent plus bien, en critiquent la discipline, estiment qu’il n’y a pas assez d’activités extrascolaires et qu’on ne tient pas assez compte de leur avis. A l’inverse, de la sixième à la troisième, ils estiment que l’entente entre les élèves s’est améliorée et que la solidarité a progressé.

Ainsi, du point de vue des élèves, ce qui est positif dans ce bilan de quatre années, c’est l’expérience de relations nouvelles entre camarades, beaucoup plus que les rapports avec les institutions (que ce soit le lycée ou les professeurs). Alors que le milieu éducatif où ils sont immergés est exclusivement mobilisé pour la formation intellectuelle, ce qui, pour eux, a compté, c’est l’apprentissage de la vie en commun, l’expérience collective. Curieux décalage entre les ambitions des uns et les désirs des autres, entre la théorie et la réalité. Il est certes légitime qu’une institution éducative ait pour premier objet de former les esprits et de transmettre un savoir. Mais peut-elle espérer atteindre son but si elle ignore à ce point les aspirations profondes des élèves? Poser ces questions est plus aisé que d’y répondre. Les échecs des tentatives diverses, faites ces dernières années, montrent qu’il ne suffit pas de créer un « foyer » ou de multiplier les délégués et les conseils de classe pour faire participer davantage les élèves et répondre à leur désir d’autonomie. C’est toute l’organisation de l’établissement, la répartition du temps et de l’espace, le partage des responsabilités qui demanderaient à être modifiés pour que, progressivement, les élèves cessent d’être des usagers passifs – et vindicatifs – et deviennent des partenaires et des acteurs.

(d’après Frédéric Gaussen, Le Monde-Dimanche)

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samedi, juillet 05, 2008

Dans chaque Français, il y a deux Français

On dit que « dans chaque Français, il y a deux Français » : celui qui ne veut pas d’histoires et celui qui a de grandes idées ». D’où ce trait éminemment hexagonal qui agace – surtout les Anglais – ou séduit ses voisins : notre concitoyen est avant tout paradoxal. Etymologiquement : il se comporte contre toute attente. L’affuble-t-on du béret basque qu’il revendique le bonnet phrygien. Mais l’imagine-t-on en sans-culotte qu’il se voit, lui, forcément en haute couture.

La crise n’a fait qu’augmenter cette spécificité national : plus le Français a peur de l’avenir, plus il se penche sur son passé. Ainsi, il est capable de s’exalter sur l’excellence de la grande cuisine du terroir et d’aller s’envoyer un Mc Do’ sur le pouce. Pleurer la disparition du quincailler du coin de sa rue où il ne mettait pourtant plus les pieds depuis belle lurette, parce que les grands magasins, c’est tellement plus pratique et moins cher... Se croire directement issu de Descartes, champion toutes catégories en rationalité, et se précipiter chez la première voyante venue : la France bat des records en matière. Passer des heures devant la télé, à regarder les émissions les plus débiles, faire plonger l’audimat dès d’une émission « intelligente » pointe le nez et vociférer ensuite, comme 68% des Français, que la télé le prend pour un abruti. Etouffer sous l’air pollué et se sentir offensé dès qu’on lui suggère de ne pas prendre sa voiture. Tout attendre de l’Etat et ne lui accorder aucune confiance comme 75% de nos concitoyens, etc.

(d’après Florence Assouline, L’événement de jeudi, 1996)

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Les pays de l’Ouest

Vieille terre celtique, ces pays sont baignés par la Manche et l’Océan Atlantique, de l’estuaire de la Seine à celui de la Garonne. Il s’agit de la Haute-Normandie (capitale : Rouen), de la Basse-Normandie (capitale : Caen) de la Bretagne dont la capitale est Rennes ; des Pays de la Loire groupés autour de Nantes et de la région Poitou-Charentes, avec Poitiers pour capitale.

L’image de ces pays est fortement liée à la présence de l’océan et aux grands ports qui ont joué un rôle important dans l’histoire, notamment Le Havre. Les côtes normandes et bretonnes sont propices au tourisme et aux activités nautiques. Il y pleut beaucoup, c’est vrai, mais ce désagrément est largement compensé par une nature encore sauvage.

L’arrière pays offre des paysages contrastés : en Normandie, une campagne paisible, avec des prairies verdoyantes et des pommiers. En Bretagne, des forêts et des landes presque sans relief. De la Loire à la Gironde, un paysage de basses collines et de bocage, avec des rivières paresseuses.

Dans toute la région, les villes pittoresques ne manquent pas : Dieppe et Deauville – stations balnéaires normandes – Brest en Bretagne, les premier port militaire de France, Saint-Nazaire, pour sur l’estuaire de la Loire, Royan, La Rochelle...

La vie à l’Ouest tourne, en grande partie, autour de l’océan : fêtes de la mer, des marins, des mouettes, concours de pêche en mer. La gastronomie dépend elle aussi de la présence de l’Océan : poissons et crustacés sont sur toutes les tables. Mais il faut y ajouter le beurre salé et les crêpes de Bretagne, la cuisine à la crème de Normandie.

L’Ouest est le pays des mégalithes (grosses pierres) qui remontent très loin dans le passé : menhirs (de grosses pierres dressées verticalement), cromlechs (des cercles de menhirs), dolmens (tables de pierre). Il est riche aussi en châteaux forts et en villes fortifiées, en églises romanes et cathédrales gothiques, en édifices de la Renaissance. L’époque contemporaine est surtout marquée par d’audacieux ouvrages d’art (les ponts de Tancarville, de Normandie, de l’île de Ré).

Le Mont Saint-Michel est le site le plus impressionnant de l’Ouest : la plus belle des abbayes françaises sur son île rocheuse, l’un des monuments les plus visités de France.

Mais ce qui distingue le plus l’Ouest et la langue bretonne, langue celtique, cousine de l’irlandais et de l’écossais. On retrouve les mots bretons usuels dans les noms de lieux ou de personnes.

L’Ouest a fourni à la littérature de grands écrivains : Corneille, Flaubert, Chateaubriand, Renan, Jules Verne.

(d’après R. Bourgeois, S. Eurin, La France des régions)

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Nouvelles traditions

Tapis rouge pour toutes les musiques : classique, rock, jazz, musiques du monde, tous les styles musicaux français et étrangers sont à la fête pour célébrer le début de l’été. En 1982, quand le ministre de la culture Jack Lang lance cette manifestation populaire, elle est franco-française. Mais deux ans plus tard, elle devient contagieuse. Plusieurs pays d’Europe créent leur propre fête de la musique. Puis le phénomène s’effiloche et cette année le comité d’organisation français a voulu donner à ce 21 juin une tonalité européenne.

On s’est dit que c’était vraiment dommage, à une période où tout le monde souhaite voir émerger l’Europe de la culture, que la fête de la musique ne soit pas l’occasion de créer des échanges et de faire découvrir aussi ce qui se passe dans les autres pays autour de nous et que les gens découvrent aussi ce qu’on fait ici, en France. Et donc, on a pris notre bâton de pèlerin et on est retourné voir la ville de Berlin, la ville de Rome, la Hongrie, Barcelone et on a aujourd’hui une sorte de réseau et c’est l’occasion à la fois d’envoyer des artistes français dans ces villes-là.

C’est l’occasion aussi pour nous d’accueillir à Paris mais aussi dans d’autres villes en France des artistes hongrois, italiens, espagnols ou catalans qui sont aujourd’hui l’Europe de la musique.

Découvrir, telle pourrait être la dévise de cette fette de la musique. C’est ainsi que kent a représenté la France à Berlin, que le violoniste Didier Lockwood a fait vibrer les cœurs des Roumains de Iasi et qu’on a pu « zouquer » jusqu’à Bucarest avec l’Antillais Dédé Saint Prix. Car c’est surtout cela la fête de la musique : la musique pour tous les publics, dans la rue avec les musiciens d’un jour et de toujours, tout heureux de faire tomber les frontières.

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Encore!

De Noël à Pâques

Les coutumes, les traditions et la gaieté françaises ne sont pas mortes, bien au contraire ! Les traditions et manifestations laïques (civiles) ou religieuses sont extrêmement variées en France, avec un caractère propre à chaque région. Baptêmes, premières communions, fiançailles et mariages rythment encore la vie des familles. Les fêtes folkloriques, historiques et religieuses se succèdent tout au long de l’année, surtout dans les campagnes qui restent les plus fidèles à perpétuer les traditions.

Noël est célébré par la plupart des Français qui vont à la messe de minuit et ornent leur maison d’un sapin et d’une crèche. Selon la tradition de Noël, celle-ci symbolise la crèche où Jésus a été placé à sa naissance dans l’étable de Bethléem. C’est la fête de la commémoration de la naissance du Christ. Ces crèches sont exposées dans les églises, de Noël à l’Epiphanie. Le père Noël, en houppelande rouge, est attendu par tous les enfants qui mettent leurs souliers dans la cheminée. C’est un personnage imaginaire qui est censé descendre par la cheminée au cours de la nuit de Noël pour déposer des cadeaux dans les souliers des enfants. On se chante « des noëls », c’est-à-dire des cantiques, ou on donne « des noëls » - des présents qu’on distribue à l’occasion de Noël. Quelques villages, surtout en Provence, organisent, dans la plus pure tradition, des cortèges de bergers qui se rendent à l’église autour d’une crèche vivante, ornée de « santons ». On prépare aussi un bon repas où l’on sert les plats traditionnels : la dinde aux marrons et la bûche de Noël – un délicieux gâteau en forme de bûche. La coutume est de faire ce repas au milieu de la nuit, comme le Jour de l’An. Ce repas s’appelle « le réveillon ».

Au moment de Pâques se déroulent les processions solennelles, surtout dans le Sud du pays, en Roussillon et en Corse, pleines de faste. Correspondant à l’arrivée du printemps, la fête de Pâques est l’occasion pour les enfants de ramasser dans les jardins de petits œufs en chocolat ; les cloches des églises sonnent à toute volée, et on dit que ce sont elles qui rapportent de Rome les œufs de Pâques. Il y a un grand repas de famille – on y sert traditionnellement du rôti d’agneau, « l’agneau pascal ». Et on n’oublie pas le grand coq en chocolat qui doit trôner sur la table !

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Encore!

jeudi, juillet 03, 2008

Le Sud-Ouest

Le Sud-Ouest correspond à deux régions: l’Aquitaine (capitale: Bordeaux) et Midi-Pyrénées (capitale: Toulouse), autour de la vallée de la Garonne. C’est un pays où il fait bon vivre, dans un climat doux, où des campagnes riches donnent en abondance des produits de la gastronomie, du foie gras des Landes aux grands vins de Bordeaux. Mais il faut penser aussi au rugby, au béret basque et aux usines aéronautiques où se construit Airbus.

La chaîne des Pyrénées forme la frontière avec l’Espagne. Plus basses que les Alpes, ces montagnes offrent pourtant des paysages pittoresques et abritent des stations thermales.

Le Pays Basque est lié aux provinces basques espagnoles par une langue et une culture communes. C’est un pays de montagnes moyennes et de collines. Sur la côte, les stations balnéaires se succèdent au sud de Bayonne.

De la côte basque jusqu’à l’estuaire de la Gironde, le paysage caractéristique est celui des dunes de sable et des vastes forêts de pins. L’économie de la région est dominée par l’agriculture et la sylviculture.

Bordeaux et Toulouse sont des villes de commerce et d’industrie, mais aussi de grandes villes universitaires. La vallée de la Dordogne forme une des régions touristiques les plus riches de France, avec ses grottes préhistoriques, ses châteaux, ses villes et ses villages pittoresques.

Les grands écrivains du Sud-Ouest sont Montaigne, Montesquieu, François Mauriac – le romancier qui a le mieux célébré les landes et la région de Bordeaux.

Au peintre Henri de Toulouse-Lautrec, la ville d’Albi a consacré un superbe musée, ce qu’a également fait Montauban pour l’un des plus grands peintres du XIXe siècle, Ingres.

Rappelons enfin que dans tout le Sud-Ouest on entend encore parler l’occitan (la langue d’oc) et que le basque est une langue à part, aux origines mystérieuses... la diversité linguistique est une des richesses de cette région.

(d’après R. Bourgeois, S. Eurin, La France des régions)

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mardi, juillet 01, 2008

Monsieur Tout-le-monde

Georges Simenon a marqué son époque, laissant des traces indélébiles dans le champs culturel francophone. On a tous attrapé un vieux Maigret écorné qui traînait sur un canapé dans la maison ou lu « Lettre à mon juge » dans le coin d’un compartiment d’un train ou dévoré un soir, au fond du lit, « Le chien jaune » ou « L’homme du banc » ou « Maigret se trompe ».

Maigret, « monsieur Tout-le-monde », a fasciné tout le monde. Pourquoi? Parce qu’il ressemble à tout Français. Il est râleur, bourru comme un patron de bistrot, il se méfie des riches, des supérieurs, des juges et des grands de ce monde. Sans cesse. Il répète: « Je ne crois rien. »

Une partie de son charme, c’est qu’il considère les êtres avec justesse et pertinence. Ce qui étonne encore bien davantage, c’est qu’il se promène. Il flâne dans les vies. Il peut marcher dans Manhattan ou à Meung-sur-Loire, dans un hôpital ou en plein soleil, il comprend, il devine. Avec son calme apparent, sa tranquillité imperturbable, il réconforte.

Au fond, comment est né ce Maigret-là qui nous fascine, aussi bien sous les traits de Gabin que de Bruno Crémer? Tout simple. Il vient d’un tout petit journaliste de la Gazette de Liège. Si l’homme Simenon est né au 1903, l’écrivain Simenon est né en 1931 en publiant sous ce nom, cette année-là, onze livres, dont dix Maigret. Trois de ces Maigret obtiennent, le même mois, un contrat d’adaptation au cinéma. De ce mistère, de ce miracle est né le mythe d’une association idyllique entre Simenon et le cinéma. Pour lui, le cinéma n’est que pour mettre ses histoires en images: « Le voyageur de la Toussaint », « L’homme de Londres », « Les inconnus de la maison ». Petit à petit, Simenon conquiert aussi le petit écran. Et Simenon peut enfin manifester sa pérennité. La série des « Enquêtes du commisaire Maigret » continue de nous plaire.

Il a donc fallu un Belge né à Liège, un vendredi 13 (sa mère superstitieuse a triché et déclaré qu’il était né le 12...) pour mettre au monde ce parfait Français!

(d’après Jacques-Pierre Amelte, Le Point, 2003)

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