L’enseignement de l’orthographe
1. Considérations générales
Les élèves qui lisent mal ou qui lisent peu n’ont pas une bonne orthographe.
L’exercice orthographique par excellence est la dictée. Le professeur ne peut pas l’ignorer.
L’orthographe représente l’un des plus importants moyens pour la consolidation des connaissances phonologiques, lexicales et grammaticales qui se trouvent à la base du mot écrit.
Le professeur doit prouver de la patience et du tact pédagogique, en allant du simple au complexe, du facile au difficile, selon l’âge des élèves et leur niveau de connaissances en français.
Les sept principes de la rénovation pédagogique de l’orthographe sont:
- adapter les acquisitions orthographiques aux possibilités des élèves;
- exploiter des situations motivées de communication;
- assurer d’abord de bons automatismes par le recours à l’analogie;
- recourir ensuite seulement à la réflexion “raisonnante”, c’est-à-dire à l’analyse et aux règles;
- individualiser les tâches;
- réviser les acquisitions;
- pratiquer une pédagogie de la réussite.
Le recours à l’analogie auditive, puis graphique, c’est un exercice de type formel, mais très efficace.
L’enseignement de l’orthographe exige la pratique du travail individualisé et le recours à divers fichiers.
2. La pratique de l’orthographe
L’orthographe d’usage vise le cahier des familles orthographiques. Un tel cahier a dans sa structure des listes de mots qui ont été regroupées par familles orthographiques, étant établies par les élèves durant l’année scolaire. C’est un travail de découverte faite par l’enfant, qui ne doit pas être imposé dès le début de l’année par le professeur. Ex: les mots à s final muet, des mots à t final muet, des mots à lettres muettes à l’intérieur d’un mot, des mots à lettre initiale muette, des mots à consonnes doubles.
Les principes de l’orthographe grammaticale visent:
- la priorité de l’expression orale;
- le rôle important de l’analogie;
- la place de l’induction, le recours ultérieur à la réflexion;
- l’individualisation des acquisitions.
3. Priorité de l’expression orale
La tâche des professeurs qui sont de vrais maîtres en matière d’orthographe grammaticale est d’apprendre aux élèves à bien parler.
Le rôle de l’analogie
L’analogie permet de bien orthographier les terminaisons des mots, sans connaître aucune règle d’accord.
La place de l’induction
Après deux années d’usage intuitif des faits grammaticaux, l’élève sera capable d’accéder au stade de leur généralisation. Plus tôt, l’induction serait prématurée.
L’individualisation des acquisitions
Il est bon de recourir au système du travail individualisé qui respecte le rythme personnel d’assimilation de chaque élève. A cette fin, il est recommandable d’utiliser les batteries de fiches d’exercices d’initiation et les fiches de découverte.
Le matériel d’orthographe grammaticale comprend
- les exemples-types;
- le cahier des “ensembles” ou les affiches murales collectives;
- le fichier d’orthographe.
4. Les exercices d’orthographe
1. Considérations générales
Ce sont des exercices très variés, qui ne se limitent pas à la dictée.
Le professeur doit savoir se servir de la dictée pour mettre en valeur les possibilités réelles de l’élève et non pas pour lui prouver qu’il est incapable de se débrouiller.
2. Les exercices d’orthographe
Il y a trois types d’exercices:
- collectifs,
- en équipes,
- individualisés.
La dictée préparée
Ce qu’il ne faut pas faire:
- étudier chaque mot du texte, toutes les difficultés, tout mettre en couleurs;
- pendant la préparation, il ne faut pas se limiter à faire copier le texte par les élèves, une activité mécanique, sans aucune logique si elle n’est pas dirigée par le maître;
- ne jamais faire préaprer la dictée à la maison.
Ce qu’il faut faire:
- s’il s’agit d’une préparation collective, on peut choisir trois ou quatre difficultés, en faisant, en même temps, des analogies;
- s’il s’agit d’une préparation individuelle, les questions écrites au tableau noir seront un vrai guide pour l’élève, l’invitant à classer les mots ou les expressions. Le professeur doit insister seulement sur l’essentiel. Le texte écrit au tableau noir présente un inconvénient: pendant la préparation de la dictée, certains enfants photographient les mots en les reproduisant mécaniquement, sans acquérir de bons automatismes orthographiques.
2. La dictée proprement-dite
Le professeur commence par relire le texte en entier. Puis, il dicte chaque phrase, par groupes de mots grammaticaux, liant le sujet et le verbe, le nom et le qualifiant du groupe nominal dans les mêmes émissions vocales.
Le professeur ne dicte qu’une seule fois chaque partie de la phrase; il ne répète jamais.
La dictée du texte achevée, le maître la relit et accorde ensuite à ses disciples quelques minutes de réflexion avant de faire procéder à la correction des cahiers.
Pendant la dictée d’un texte, le professeur doit éviter de faire des observations plus ou moins intempestives quant à ses élèves. Il ne dira jamais: « Silence! On dicte! » pour ne pas disperser leur attention.
Le professeur peut rester immobile, face à l’auditoire, de manière que tous les élèves entendent bien distinctement le texte dicté. Les déplacements du maître peuvent intimider certains élèves.
L’étape collective
Ce qui n’est pas recommandable:
- recenser publiquement les erreurs de chaque enfant;
- procéder à l’échange des cahiers;
- faire épeler par les enfants, à tour de rôle, tous les mots du texte.
Ce qui est recommandable:
Le cahier fermé, chaque élève suit au tableau noir la séance collective d’explications. On rappelle telle liste analogique, ou telle phrase modèle qui sert d’exemple pour une forme graphique considérée. A propos de certaines situations particulières, on demande aux enfants d’évoquer des cas semblables.
Les élèves doivent fermer les cahiers pendant la correction collective, pour être obligés à participer à cette activité. Dans le cas contraire, chacun est préoccupé de découvrir ses erreurs personnelles et ne profite pas du travail commun.
L’étape individuelle
Comporte deux temps:
- correction personnelle immédiate;
- exercice de “renforcement”.
La correction personnelle immédiate
Chaque élève ouvre son cahier, recense les erreurs et les rectifie à la suite de la dictée de la manière suivante:
- dans la situation d’un mot mal orthographié, l’enfant l’écrit sous la forme correcte. Il écrit également ce mot sur un papillon qu’il glisse dans sa “boîte à mots”;
- dans la situation d’un accord incorrect, l’élève écrit le terme dans les deux formes grammaticales correspondantes: masculin et féminin, ou singulier et pluriel.
L’exercice de renforcement
A propos d’une erreur d’orthographe commise dans la dictée, chaque élève effectue un exercice, soit en utilisant les fiches de contrôle, soit en recourant à son manuel d’orthographe ou de grammaire.
La dictée de contrôle
Elle ne comporte pas de préparation. Pendant la dictée, l’élève ne reçoit aucune aide.
La dictée de contrôle se déroule de la manière suivante: le professeur lit le texte à haute voix, en dictant successivement les groupes de mots sans les répéter. Puis, le texte dicté, le maître le relit à haute voix. Les élèves disposent de quelques minutes pour relire la dictée silencieusement. Ensuite, on procède à la correction.
La copie
C’est un exercice traditionnel, qui ne suppose pas une méthode particulière.
La copie mentale
Cet exercice apprend aux élèves à copier un groupe de mots, voire une phrase, sans regarder le modèle qui figure au tableau noir. Après quelques secondes d’une observation silencieuse par tous, afin d’assurer une bonne mémorisation du modèle, le maître essuie le tableau noir ou el retourne. En silence, les enfants écrivent et le professeur n’intervient pas à ce moment. Le modèle étant de nouveau sous les yeux des élèves, on procède à la correction de la phrase.
La copie mentale peut être pratiquée cinq à dix minutes chaque jour. Elle est très utile, car les enfants apprendront à copier un texte par groupe de mots. C’est un excellent exercice d’apprentissage de l’orthographe, car il stimule la capacité d’attention soutenue des élèves.
Les textes à compléter
C’est un exercice à être réalisé collectivement ou par équipes. Il comporte plusieurs phases:
- le travail personnel (5-10’);
- la mise au point au niveau de l’équipe (discussions, recherches dans les manuels d’orthographe et des dictionnaires);
- le bilan au niveau du groupe-classe, chaque équipe apportant sa contribution à la mise au point collective.
La dictée commentée
Dès le début, les élèves doivent être prévenus sur les modalités de cet exercice.
Tout d’abord, le maître lit le texte, ensuite il pose une ou deux questions sur le sens général du passage choisi. Puis, le professeur fait une deuxième lecture de la première phrase du texte. Les élèves seront invités à faire un commentaire concernant les mots ou les expressions qui se trouvent dans le texte. On continue le commentaire et les élèves feront quelques remarques. A la fin, après avoir fini le commentaire, le maître relit la première phrase, un élève la répète à haute voix d’une manière claire et distincte. Au signal sonore magistral, chaque élève prend son stylo et travaille en silence, en reproduisant la phrase sur le cahier. Pour ce qui est le reste du texte, on peut appliquer la même procédure.
Il n’est pas recommandable de commenter l’orthographe d’un mot pendant que les élèves écrivent le texte.
La dictée commentée présente un avantage extraordinaire: à l’aide de celle-ci, les élèves seront habitués à effectuer mentalement les opérations nécessaires en vue d’une bonne acquisition de l’orthographe.
L’auto-dictée
Cet exercice peut s’effectuer soit en étudiant le texte à la maison, soit en l’étudiant en classe.
La première conception suppose que les élèves apprennent chez eux, le soir, un texte de quelques lignes dans leur manuel de lecture. Ils étudient telle forme verbale qu’ils révisent dans leur livre de grammaire à la page indiquée par le professeur. Ils copient tel mot dont la graphie est difficile. Chacun prépare le texte et ne se contente pas de l’apprendre par cœur.
Le lendemain, en silence, chaque élève l’écrit sur son cahier.
Cette façon d’employer l’auto-dictée s’adresse à des élèves qui ont “appris” à apprendre.
La deuxième conception vise un texte que les élèves ne voient pas. Le professeur le lit, en s’assurant de sa compréhension. Ensuite, on procède à l’étude de la première phrase. On fait mémoriser le texte phrase par phrase. A la fin de l’exercice, on récapitule “de mémoire” l’ensemble du texte. Le lendemain matin, le professeur le relit deux fois. Ensuite, chaque enfant le transcrit “de mémoire” sur son cahier de devoir. La correction se fait comme à l’ordinaire.
La dictée rapide
Cet exercice peut avoir plusieurs formes:
- dictée magistrale;
- dictée mutuelle;
- dictée suivie.
La dictée magistrale
Chaque jour, pendant quelques minutes, le professeur procède au contrôle des mots révisés du carnet studiométrique. Ces termes seront insérés dans des phrases orales par le maître. Chaque élève écrit seulement les mots en question. Pour chaque faute faite, l’auteur copie le terme correspondant sur un papillon qu’il place dans sa “boîte à mots”.
La dictée mutuelle
Par groupe de deux, une fois par semaine, les élèves peuvent contrôler mutuellement les acquisitions de la “boîte à mots”. Exercice de 5-10’.
La dictée suivie
C’est une variante de la dictée rapide. Le professeur ne doit pas se contenter de dicter des mots isolés. Il dicte un mot caractéristique du récit qu’il raconte. Sur une feuille, les élèves écrivent ce mot. Celui-ci ne doit pas être choisi au hasard. Il est connu par les élèves, qui doivent l’orthographier correctement.
Cet exercice se propose de contrôler les automatismes orthographiques à un moment où l’élève est particulièrement intéressé par une histoire et ne pense plus à la forme graphique des mots.
La dictée panachée
Le professeur fragmente le texte en trois parties et procède pour chacune d’elles de la manière suivante:
- première partie: dictée commentée;
- deuxième partie: dictée rapide;
- troisième partie: dictée de contrôle, ou dictée sur mesure.
Les exercices d’orthographe grammaticale
Il est bon de ne pas en abuser. La conception traditionnelle, conformément à laquelle après une leçon magistrale tous les élèves font les mêmes exercices en même temps, est contestable. En général, seuls les élèves doués sont bénéficiaires de ce travail. Ces exercices peuvent s’effectuer par chaque élève par rapport à ses nécessités.
Pour être efficace, l’enseignement de l’orthographe doit être simple, méthodique, fonctionnel.
[Source des notes: Traian Nica, Cătălin Ilie, Tradition et modernité dans la didactique du français, langue étrangère, Editura Celina, Oradea, 1995]
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