Paul Morand, grand voyageur, a campé sous tous les cieux. Dans un petit traité sur les loisirs il se propose d’initier le civilisé aux joies du plein air; il veut lui apprendre à se reposer, à se détendre, pour la santé du corps et de l’esprit.
Tout est fascinant dans le campement. D’abord, le projet qu’on en fait, ensuite le matériel qu’on achète: lits dont les pieds finissent en boule, pour décourager les fourmis d’y grimper, chauffages portatifs, hamacs inédits, tentes isothermes, sacs de couchage doublés en chèvre de Mongolie tiède et légère, d’innombrables ustensiles portatifs depuis la pelle-bêche, la glacière jusqu’à l’armoire de poche. Le camping offre des possibilités illimitées aux gens pour qui les sports les plus naïfs ne sont qu’occasion de déguisement. Il n’est même pas besoin d’entrer dans le campement pour deviner l’amateur: de même qu’un vrai voyageur reconnaît le touriste d’occasion à ses belles valises et à sa pharmacie, le vrai nomade reconnaît de loin le faux nomade, rien qu’à la façon dont ce dernier a disposé sa tente sur un terrain trop bas au bord d’un étang, à son nécessaire de pique-nique, à l’aspect même de son feu.
Les joies du campement sont faites de beaucoup de disputes et de fatigues. On a trop marché tout le jour et, le soir, on s’est mis trop tard à l’ouvrage; c’est pourquoi le dîner n’est pas bien cuit, les tentes mal arrimées s’écroulent à la première bourrasque. Mais tout va mieux, n’est-ce pas, que la honte de coucher dans la voiture ou d’aller chercher du renfort à l’auberge.
Jouer le jeu du campement, c’est montrer à la civilisation que l’on peut se passer d’elle; c’est montrer qu’on peut vivre avec ce qu’on porte sur son dos; c’est se prouver à soi-même que la vraie richesse, c’est un corps exempt de rhumatismes, des yeux perçants et une oreille fine. Le campement est le jeu favori des vieux enfants de notre âge infantile, où l’on veut boire aux sources et remonter au premier degré de vérité humaine.
(d’après Paul Morand, Apprendre à se reposer)
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vendredi, juin 13, 2008
Sain de corps... et d’esprit
Publié par:
Radu Iliescu
le
vendredi, juin 13, 2008
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