samedi, mai 10, 2008

Le XIXe siècle

Etrange et confus XIXe siècle, où le passé se heurte à l’avenir, la culture traditionnelle aux goûts nouveaux, les anciennes classes sociales aux masses ouvrières en formation; siècle fécond en promesses et riche en souvenirs!

Jusqu’en 1815, la volonté de Napoléon domine la politique étrangère, l’activité intérieure du pays, et même sa vie intellectuelle. L’université est dotée d’une constitution. Les écrivains se soumettent ou se révoltent. Les savants sont honorés et favorisés, les artistes encouragés a faire renaître en architecture, en sculpture et en peinture le style antique dont David devient le grand maître.

La Restauration tantôt libérale, sous la garantie de la Charte, tantôt réactionnaire lors de la prépondérance des ultras, voire intransigeante sous le règne de Charles X, après 1829, donne lieu à une reprise de la vie politique. La royauté bourgeoise de Louis-Philippe se maintient contre les pressions de l’extrême droite et contre celles des libéraux en progrès jusqu’à la révolution de 1848.

Cependant une brillante constellation d’écrivains et de peintres affirme son opposition à l’art classique et postclassique; de nombreuses œuvres, parues de 1820 à 1830, expriment des sentiments passionnés et personnels, une conception originale d’un monde où l’enthousiasme et le rêve dominent, un goût du pittoresque, de l’exotisme de la couleur: ce sont celles de Géricault, Delacroix, Devéria, Lamartine, Hugo, Vigny, parmi tant d’autres.

A partir de 1830, ce mouvement se teinte de plus en plus d’intentions politiques: les recueils de poèmes et les pièces de théâtre se multiplient. Victor Hugo définit la fonction du poète, « mage » chargé de conduire les peuples vers une destinée meilleure.

C’est une coalition générale d’ouvriers socialistes, de bourgeois parisiens et d’intellectuels romantiques qui renverse la monarchie en 1848, mais la deuxième République évolue rapidement vers un régime conservateur et se laisse vite dominer par le prince-président: le coup d’Etat du 2 décembre 1851, consacrant l’écrasement des républicains, marque le retour à un gouvernement personnel que Louis-Napoléon Bonaparte s’efforce de consolider par le prestige militaire et la prospérité économique, laquelle était fondée sur le développement des banques, du commerce et de l’industrie. Le régime s’assouplit et devient plus libéral à partir de 1860 mais se heurte à une opposition croissante; les échecs militaires au Mexique, et la grave défaite de 1870 dans la guerre contre la Prusse provoquent la chute du second Empire.

L’arrivée de Napoléon III au pouvoir avait marqué la disparition ou la transformation du romantisme: ce fut la retraite de Vigny et de Lamartine et l’exil, fécond il est vrai, de Victor Hugo. Une réaction se produit alors contre les excès du lyrisme, de la passion, et aussi contre les intentions politiques qui s’étaient manifestées dans l’art; on prône un art objectif, une rigueur scientifique dans l’observation et dans l’expression. L’art pour l’art, le Parnasse, le roman réaliste, voire expérimental et naturaliste, ont en commun la haine des œuvres de confidences ou de passions désordonnées, sinon « débraillées ». Le moment est venu où philosophes et savants renoncent au débat métaphysique, pour engager une réflexion et un dialogue sur les conditions d’une connaissance objective de la réalité sous toutes ses formes. Le mathématicien et philosophe Auguste Comte avait rédigé un Cours de philosophie positive; le physiologiste Claude Bernard expose, dans l’Introduction à l’étude de la médecine expérimentale, les principes fondamentaux qui, selon lui, doivent gouverner toute science digne de ce nom; Louis Pasteur, à son tour, veut donner à l’étude des phénomènes biologiques une méthode rationnelle; Hippolyte Taine, de son côté, tente une explication positive des « faits » historiques, littéraires et artistiques.

La société bourgeoise en plein essor traduit, à sa façon, en réalités financières et en bien-être immédiat ce goût des choses concrètes et solides: c’est le triomphe du capitalisme organisé. La naissance du syndicalisme – le droit de coalition est accordé en 1864 – n’équilibre pas cette prépondérance des hommes d’affaires et d’argent, si tôt prévue par Balzac.

Mais dans le domaine de la peinture, le retour à l’objet, loin d’aboutir à une esthétique conservatrice, provoque un sain retour à la nature, au paysage, au vrai, chez Millet, Corot et Daumier, mais surtout chez Courbet et Manet.

Le grand poète Baudelaire symbolise une autre tendance qui s’écarte à la fois du romantisme et du positivisme. Réaliste, par son refus des hypocrisies et des fausses pruderies, idéaliste et même mystique dans ses efforts pour créer le monde merveilleux de son imagination et de ses rêves, il annonce un art nouveau, malgré la condamnation des Fleurs du Mal en 1857, par le tribunal correctionnel. Rimbaud, Lautréamont, Verlaine transfigurent à leur tour les mouvements secrets de l’âme, par une poésie originale.

Pendant les vingt-cinq années qui suivent la chute de l’Empire, et qui s’ouvrent par la terrible répression de la Commune, les incertitudes politiques sont grandes: la République de 1875 paraît fort provisoire, mais elle est consolidée peu à peu par l’action prudente et habile de la haute bourgeoisie. La France organise des expéditions coloniales hardies et affirme sa place dans un monde en expansion.

L’opposition des artistes et des écrivains ne désarme pas, contre un monde égoïste et intéressé, contre un optimisme scientifique et industriel outrancier. Tous se révoltent et s’isolent: les traditionalistes comme Barbey d’Aurevilly, les mystiques ardents comme Villiers de L’Isle-Adam et Huysmans, les polémiques catholiques enflammés comme Léon Bloy, les impressionistes comme Monet ou Sisley, en peinture, et comme Debussy, en musique, réfugiés dans leur sensibilité et développant leur particulière vision du monde, les symbolistes livrés à la contemplation de leur propre aventure spirituelle. D’autes comme Zola, dans la fameuse lettre J’accuse éclate en 1898, ou comme Anatole France, choisissent la cause ouvrière, le socialisme et la lutte ouverte, reprenant ainsi à leur façon l’engagement des romantiques de 1840 dans une société dont la fraction dirigeante paraît satisfaite et décidée à une immobilité égoïste.

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